Une fic que j'ai commencée il y a, holà, vachement longtemps , et qui raconte la jeunesse du grand-père de Celiel, quelques 600 ans (environ) avant Magical Story Next Gen. Khao en avait commencé un résumé dans la section Chroniques, mais comme je me suis (enfin) remis à l'écriture de cette fic, je vous la propose dans son intégralité (enfin pas tout de suite on s'entend )
Je ne m’adresse pas à vous pour vous éduquer… Je ne cherche pas à imposer une idéologie quelconque… Je ne me définis pas comme quelqu’un de vertueux, ni d’exceptionnel… Je ne suis que le témoin et l’acteur d’une histoire qui, selon beaucoup de croyants, transcende le commun des mortels… J’ai survécu et survis depuis assez longtemps pour être en mesure de la consigner par écrit… Libre à vous de me porter attention ou de m’ignorer… Soyez simplement assurés que je ne fais que vous transmettre la déplorable réalité d’un être que vous glorifiez aveuglément, et qui vous maintient en esclavage depuis des siècles… Je suis un ange, né de l’amour de Dieu. Un être vierge de toute souillure, physique comme morale. C’est ainsi que l’on m’a éduqué, et ainsi que l’on m’a toujours encouragé à vivre. De toute manière, succomber à la tentation est déjà un objectif difficile à atteindre en soi, étant donné qu’anges mâles et femelles vivent dans des quartiers séparés, ayant à peine l’occasion de se croiser sur leur lieu de travail… Croiser une représentante du sexe opposé était exceptionnel, et était quasiment considéré comme une malédiction… Des êtres vivant dans un monde parfait, gouvernés par un être parfait, n’ont pas besoin d’amour… C’est sans doute à cause de cela que vous avez longtemps cru, et que vous croyez encore, que nous autres anges sommes asexués… Ce n’est pourtant pas le cas… Contrairement aux dix commandements par lesquels Dieu régit votre vie, vous n’avez pas été créés à l’image du Créateur, mais à celle des anges, qui furent ses premiers enfants… Des enfants qu’il désirait aussi parfaits qu’il ne se le considérait lui-même… Mais il a commis deux erreurs dans ses créations… La première fut de créer deux sexes, dans le but de ne pas avoir une population uniforme… La deuxième erreur fut de nous octroyer un cœur, parce qu’il voulait que nous soyons en mesure de l’aimer, de la même manière qu’il nous aima, nous qui fûmes à ses yeux les plus belles poupées jamais créées… Car c’est ce que nous sommes : des pantins voués à répandre la volonté du Très-Haut dans tous les coins et recoins où l’on peut trouver des formes de vie… Mais très vite, les cœurs d’une grande partie d’entre nous eurent tôt fait de se détourner de l’amour du Saint Père pour un autre amour plus passionnel, plus charnel… Cette histoire est mon histoire, mais aussi celle de beaucoup d’autres qui voulurent n’exister pour personne d’autres qu’eux-mêmes… Mon nom est Zahikel, et je vais vous dévoiler le visage d’un être que vous n’avez que trop longtemps glorifié…
Origines
Mon histoire commence il y a de cela très exactement 666 ans… Je vous vois déjà bisquer… Je ne suis pas sans connaître la haute symbolique de ce chiffre… Nombre d’entre vous me voient déjà comme un émissaire de Satan, ou toute autre idiotie du genre… Pourtant croyez-moi : j’aurai un an de plus l’année prochaine… Comme tous les autres anges, je suis issu de la paume de Dieu, appelé à l’existence par un simple mouvement de poignet, car tel fut son bon vouloir. Comme mes congénères, il me fallut environ une cinquantaine d’années pour passer de l’état de nouveau-né à celui d’enfant traversant les affres de l’âge ingrat. C’est ainsi que je passai les portes de l’école pour la première fois quelque jour après mon 47ème anniversaire. Oh… Cela vous choque ? Et oui… Contrairement à ce que votre mythologie raconte, nous ne bénéficions guère de la vie éternelle, même si notre espérance de vie est autrement plus longue que la vôtre… Mais revenons-en au sujet qui nous intéresse voulez-vous ? J’abordai donc le sujet de mon éducation… Pendant le siècle qui suivit mon entrée à l’école, on m’enseigna la morale, l’honneur, au nom de Dieu cela va de soi, et bien entendu séparé des filles ce qui est tout aussi évident… Bien sûr, il y eut aussi les enseignements basiques, tels que la lecture et le calcul, mais nos instructeurs étaient beaucoup plus enclins à nous apprendre à combattre, car au-delà d’être les enfants de Dieu, nous étions aussi son armée personnelle, destinée à combattre les troupes de la Géhenne, dirigées par Satan, plus connu sous le nom de Lucifer, l’ange qui a odieusement trahi Dieu. C’est d’ailleurs lorsque les instructeurs citaient ce nom que la machine à lavage de cerveau se mettait en marche… Lucifer était plus qu’un ennemi, il nous était présenté comme le mal personnifié… Non content de trahir Dieu, il avait commis l’ultime tabou : il avait séduit un ange femelle… A chaque fois que les instructeurs évoquaient ce personnage, nous étions prêts à prendre les armes et à nous engager dans la bataille, et notre professeur se félicitait de notre ardeur, nous promettant que ce jour viendrait bientôt… La guerre contre la Géhenne n’était pas notre devoir en tant qu’anges : elle était notre récompense…
Elle était notre unique objectif, car c’était bel et bien le but dans lequel nous étions élevés… Notre seul destin était de devenir des machines à tuer au nom de Dieu, des êtres vierges de toute émotion n’existant que pour exécuter la volonté de leur créateur bien-aimé… Malgré ce vide sentimental qui était somme toute notre raison de vivre, des amitiés eurent tôt fait de se nouer… Enfin, la plupart furent des amitiés d’intérêt… Nombreux étaient ceux qui cherchaient à se rapprocher des élèves qui avaient les meilleurs résultats pour augmenter leur chance d’avoir une carrière honorable… Nous entrions à peine dans l’adolescence que déjà nous étions pourris par l’ambition… Mais il y eut tout de même des amitiés motivées par le cœur… Je fis partie de ceux à qui cela arriva, et cela nous amena à ressentir une certaine gêne, car les autres élèves, voyant bien que notre relation n’était pas de la même nature que celles qu’ils entretenaient de leur côté, nous regardaient de travers, pour ne pas dire avec mépris… Il est vrai que nous ne nous comportions pas avec nos amis de la même manière qu’avec les camarades de classe qui nous indifféraient… Aujourd’hui encore, il m’est difficile de réaliser l’intensité de ce sentiment qui nous élevait au-dessus du statut de congénères… Mais de tous les anges auxquels je m’étais attaché durant ce que vous qualifiez naïvement de tendre enfance, un seul nom m’était resté en mémoire… Kael… Le seul véritable ami que je puis me vanter d’avoir rencontré durant ces années répondait au nom de Kael… Il avait quelque chose de troublant... En fait, je ne sais pas vraiment quel adjectif je pourrais utiliser pour qualifier ce qui différenciait son amitié de celle de mes autres « vrais amis »…. Je me souviens comme si c’était hier du jour où lui et moi nous étions mis en tête de devenir frères de sang… Trop jeunes pour porter un glaive à notre ceinture, nous nous écorchâmes la peau avec le premier caillou trouvé sur notre route du retour au dortoir et mélangeâmes nos deux sangs, jurant ainsi de ne jamais nous trahir l’un l’autre… Bien évidemment le couperet eut tôt fait de tomber sur nos réputations… Cet acte nous a rapidement fait connaître comme des êtres impurs et dénués de la morale qu’on nous avait inculquée à force de réprimandes et de leçons de bonne conduite… Les instructeurs ont rapidement eu vent de ces amitiés hors-la-loi… Quelques séances de châtiments corporels ramenèrent une grande partie d’entre nous sur le chemin qu’ils devaient suivre, car tel était le bon vouloir du Créateur… Au final il ne restait que moi et Kael, plus un troisième ange particulièrement taciturne, à un point tel qu’il nous donnait l’impression d’être constamment déprimé… Quand nous lui demandâmes son nom, il soupira d’ennui, comme s’il avait face à lui deux instructeurs lui rabachant des directives sur le comportement qu’un ange doit observer avec ses pairs… Il fit malgré tout preuve de bonne volonté en nous répondant qu’il s’appelait Zeruel… Ainsi naquit un éclatant trio d’inséparables… Autant que possible, nous nous réunissions dans le plus grand secret pour le simple plaisir de discuter sans avoir à subir les critiques assassines de ceux qui nous étaient désignés comme nos camarades de classe, et même de ceux qui, comme nous, avaient tenté d’entretenir une amitié véritable… Même si l’amitié n’était pas comparable à l’amour, elle en était une étape… C’est sans doute la raison pour laquelle elle était prohibée… Toujours est-il que malgré nos différences respectives, nous étions comme destinés à bien nous entendre… Voyez donc le tableau : Kael, sérieux comme cela ne devrait pas être promis, toujours le nez dans un livre… Un livre de propagande, comme tous les livres auxquels on nous donnait accès, mais un livre qui, selon ses dires, comprenait des histoires fort bien contées… Grand bien lui en fasse… Zeruel, qui nous donnait toujours l’impression d’être de mauvaise humeur, mais c’est bien grâce à lui que nous n’étions jamais découverts, s’arrangeant pour que mes écarts de conduite ne soient jamais remarqués… Moi, un ange relativement enclin à la consommation d’alcool, dans l’illégalité cela va de soi, incapable d’être sérieux plus de dix minutes d’affilée, et qui est prêt à tout pour un jour voir à quoi ressemblent les anges femelles… L’idée indiquée ci-dessus était des plus difficiles à réaliser… Pour ne pas dire irréalisable… A vrai dire, sur ce plan ma jeunesse fut une succession d’échecs… Ce ne fut pourtant pas faute d’essayer, mais la surveillance était des plus serrées… Les dortoirs respectifs des deux sexes étaient délimités par une frontière surveillée par des anges majeurs lourdement armés… Mais malgré mes échecs successifs, je n’en démordais pas… Et durant l’année de mon premier siècle mon acharnement finit par porter ses fruits… Ce fut loin d’être un défi facile à réaliser… Echapper à la vigilance des gardes fut déjà un exploit en soi… Mo plan était en fait simple mais efficace : Zeruel devait prétexter d’avoir été témoin d’une scène outrancière d’atteinte aux bonnes mœurs, ce qui était amplement suffisant pour convaincre ces « gardiens de la vertu » de quitter temporairement leur poste pour reconnaître les lieux et recueillir un témoignage sur place… Et oui… C’était aussi facile que ça… Allez dire à un garde qui a eu pendant plus d’un siècle le cerveau lavé par une éducation intransigeante que quelqu’un est en train de porter atteinte à la pudeur et lui et ses collègues réagiront au quart de tour. Ils vous remercieront d’avoir fait votre devoir de citoyen dans la foulée, même si toute cette histoire n’est qu’un canular, qui sera alors interprété comme une fausse alerte. Après tout, pourquoi un enfant qui subit une éducation aussi parfaite que celle dispensée selon un programme décidé par le Créateur lui-même aurait-il l’idée de mentir à ce sujet ? C’est avec cette conviction bien trempée que les gardes firent aveuglément confiance à Zeruel, me laissant la voie complètement libre vers le saint des saints. Au début, il n’y avait rien, mais mes attentes furent rapidement comblées... Elles étaient là, sous mes yeux, celles dont l’existence nous était enseignée, même si les instructeurs s’en tenaient « simplement à ce que nous avions besoin de savoir »… A vrai dire, à l’époque j’eus bien du mal à décrire ce que j’avais vu à mes deux amis… On nous décrivait les femmes comme des êtres perfides, n’attendant que le moment opportun pour se poignarder dans le dos… Ce n’est pas l’impression que j’ai eue… En tout cas, celles qu’il me fut donné d’apercevoir ce jour-là ne me laissèrent pas une telle impression…
Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis heeeeeeeeeeeeuuuuu >_< En fait, pour ce qui est de Lukia, j'ai envie de tout effacer pour tout recommencer, parce qu'avec du recul, je la trouvez vraiment pas bonne cette fic -_-"
En tout cas, celles qu’il me fut donné d’apercevoir ce jour-là ne me laissèrent pas une telle impression… Elles me parurent même plus solidaires que je ne le serai jamais avec Kael et Zeruel. Mais ce n’est bien sûr pas ce qui me frappa en premier lieu. Plus petites… Plus fines… Plus délicates… Elles avaient quelque chose de plus que nous, quelque chose qui les rendait uniques, et indissociables de nous… Là où nous n’avions rien, elles arboraient deux espèces de protubérances que je ne pus m’empêcher de trouver attirantes, même bien dissimulées sous leurs toges de coton… Pour ce qui est de leur comportement, c’était comme chez nous : deux clans s’étaient formés… D’un côté, celles qui suivaient à la lettre les enseignements de leurs instructrices et de l’autre, celles qui avaient lié de solides amitiés… Par contre, celles qui faisaient partie du second clan abordaient des sujets de conversation qui m’étaient incompréhensibles. J’entendais parfois le mot « règles », dont je connaissais la signification, mais qui ne concordait pas avec la façon dont elles en parlaient… Elles les qualifiaient de « douloureuses », ce qui était suffisant chez nous pour écoper de quelques jours de détention, aussi déduisis-je qu’elles ne pensaient pas à la même chose que moi. « Qui es-tu ? Et qu’est-ce que tu fais là ? » La douceur de la voix qui m’avait interpellé me rassura un peu, parce que je doutais grandement de mes chances de sortir vivant de ce lieu si j’avais été surpris par une instructrice. Je me retournai pour constater que j’avais en effet été surpris par une ange qui devait être née dans le même demi-siècle que moi… Elle n’avait pour tout vêtement que la toge de coton réglementaire, mais ce qui me frappa fut l’incroyable longueur de ses cheveux d’un noir particulièrement sombre, presque ténébreux… S’ajoutaient à cela des yeux qui me donnaient l’impression qu’elle pouvait connaître toutes les pensées qui traversaient mon esprit… « Tu n’es pas comme nous… Serais-tu… Un garçon ? » Je fus surpris par la candeur de cette question, aussi mis-je du temps à me décider à répondre… « Et bien… Oui c’est bien ça… Je m’appelle Zahikel… » A mon grand étonnement, je sentis mes joues se réchauffer, témoignant du fait que je rougissais… Etait-ce parce que j’étais gêné, parce que j’avais honte ? « C’est drôle… Tu n’as pas l’air très conforme aux descriptions que les instructrices nous donnent… - Et comment nous décrivent-elles ? - Et bien… Elles insistent lourdement sur le fait que vous êtes des brutes complètement décérébrées qui ne sont bons qu’à agiter le glaive qu’on leur donnera à la fin de leurs études… - Entre être un barbare et une créature perfide qui trahit à tour de bras, je me demande ce qui est le plus souhaitable… - C’est moi la créature perfide ? - Je peux simplement te dire que c’est comme qu’on vous décrit de mon côté… » Des bruits de pas précipités écourtèrent notre conversation… « Tu ferais mieux de retourner d’où tu viens… - Tu as raison… Mais avant que je ne m’en aille… Pourrais-tu me donner ton nom ? Tu connais le mien après tout... - Mon nom est Sariel. Maintenant va-t-en. Ça me ferait de la peine de voir le premier garçon que je croise se faire exécuter sous mes yeux. - Je te reverrai ? - Sans doute jamais… Mais ne perds pas espoir… » Je partis sans me retourner. Sariel prit soin de couvrir ma fuite en guidant l’instructrice dans une direction vers laquelle elle prétendit m’avoir vu courir. Elle me gagna plus de temps qu’il ne m’en fallait pour retraverser la frontière. Kael m’attendait pour m’accompagner, mais m’était avis qu’il voulait surtout entendre le récit de mes aventures pendant mon voyage dans l’autre côté… Je promis alors de lui faire partager mes découvertes dès que Zeruel nous rejoindrait. Ce dernier ne fit sa réapparition qu’à la fin de la journée, la tête encore pleine des questions des instructeurs et des gardes de la frontière. Le pauvre avait dû se donner bien du mal pour leur raconter une histoire crédible… Il s’en était visiblement bien tiré, vu qu’il n’affichait pas une mine plus déconfite que d’habitude… Comme à notre habitude, nous nous éloignâmes autant que faire se peut de nos « camarades de classe » afin d’être tranquilles. Mais était-ce vraiment la peine ? Ils nous méprisaient suffisamment pour ne pas venir à notre rencontre quoi que nous fassions… Je fis donc part de mes découvertes à Zeruel et Kael… Si Zeruel affichait le même visage indifférent, Kael lui semblait complètement fasciné par mon histoire. Il me demanda surtout de décrire en détail les fameuses protubérances que j’avais repérées, ainsi de lui expliquer plus en détail ce qu’étaient ces « règles douloureuses » auxquelles elles ne cessaient de faire allusion… ça en devenait presque gênant… Toutefois, comme je n’en savais pas plus que lui, je ne pus répondre à ses attentes… Ça ne l’a pas empêché de se mettre en tête de rencontrer une de ces filles à son tour… Mais il nous fallut faire preuve de patience pour avoir à nouveau cette occasion… Il nous fallut attendre longtemps, si longtemps…
Les siècles passèrent, et nous fûmes enfin en âge de porter l’épée. Celle-ci nous fut d’ailleurs remise au cours d’une cérémonie pour le moins dantesque... Dantesque, mais non exempte de discipline… En effet nous étions rigoureusement alignés par rangs de cinq, les garçons dans une salle, les filles dans une autre, attendre dans le silence, si l’on faisait abstraction du bruit de la chorale qui chantait les louanges du Très Haut à chaque fois que l’un d’entre nous était appelé à rejoindre le prêtre sur l’autel pour recevoir sa bénédiction et son épée. Mais malgré l’uniformité vomitive de la situation, mon regard fut attiré par un visage qui se détachait du lot. Si tous les anges présents affichaient des visages mornes, le sien paraissait empreint d’une fureur continuelle… J’en sus un peu plus à son sujet lorsqu’il fut appelé à son tour… Pour lui, la chorale ne chanta pas, et un discours du prêtre lui était réservé… Ainsi nous fut-il révélé que ce jeune garçon n’était ni plus ni moins que l’ange Michael, le petit frère de Lucifer… Cette révélation ne manqua pas de provoquer un certain remous dans l’assemblée, mais aucun parmi nous ne sut s’il fallait l’acclamer ou le huer… Mais il me vint à l’esprit que Michael devait supporter une pression des plus importantes sur ses épaules, car l’on devait sans doute attendre de lui qu’il abatte un maximum de démons, et si possible son frère dans la foulée, ne serait-ce que pour prouver qu’il était un ange à part entière… Quelque part, j’avais pitié de lui… Mais il était préférable de ne rien en montrer, car il était de ceux que la pitié des autres ne faisait qu’énerver davantage… De toute façon, il semblait complètement indifférent à ce que disait le prêtre… A le voir, on eut dit qu’il n’avait cure de toutes les possibilités que lui offrait sa future carrière dans les armées du Très Haut… Je ne pus que déduire qu’il avait l’intention de régler ses propres comptes sans s’inquiéter des conséquences… J’eus la certitude que s’il abattait effectivement Lucifer, il le ferait plus par rancune personnelle que pour servir le Créateur… Je fus sorti de ma réflexion lorsqu’à mon tour, il me fut ordonné de rejoindre l’autel… Comme l’exigeait le cérémonial, je m’agenouillai face au prêtre qui prit une épée, laquelle avait été passée de main en main depuis le fond de la nef… Il la sortit de son fourreau et posa le plat de la lame l’espace de quelques secondes sur chacune de mes épaules avant de la rengainer et de me la remettre… Puis je me relevai, et alors que je partis rejoindre les rangs de ceux qui avaient déjà été adoubés, la chorale lança à nouveau cet insupportable cantique qui commençait sérieusement à me taper sur les nerfs. Vous comprendrez aisément que lorsqu’on entend le même refrain depuis deux heures, il y a matière à s’énerver facilement, et il me fut pénible de n’en rien montrer… Mais certains anges sujets au fayotage avaient décelé chez moi quelques signes de ras-le-bol et semblaient délicieusement tentés par l’idée de me dénoncer aux gardes du lieu saint… Ce qui les amena à s’abstenir de le s’exécuter fut sans doute le fait qu’ils risquaient eux-mêmes une détention s’ils sortaient du rang, et ce même dans la perspective de pratiquer la délation… La discipline était de rigueur dans le Saint Royaume après tout… Quand tout le monde fut passé, il nous fallut encore attendre que le prête ouvre un parchemin sur lequel était rédigé, selon ses dires, un message du Créateur destiné aux nouvelles recrues de l’armée divine. Je ris intérieurement en supposant que je n’avais pas tort de penser que ce message avait été rédigé de nombreux millénaires auparavant et que depuis lors, ils le ressortaient à chaque cérémonie… Le prêtre toussota un peu, pour imposer un silence qui était pourtant déjà omniprésent depuis le début du rituel… « Mes chers enfants, si vous êtes rassemblés en ces lieux, cela signifie que vous êtes entrés de plein pied dans le deuxième siècle de votre vie, et donc atteint l’âge de raison… Vous êtes donc maintenant aptes à porter l’épée et à rejoindre les rangs des saintes armées angéliques, vouées à la destruction définitive des Ténèbres quelles que soient les apparences qu’elles revêtiront pour mieux vous tromper… Car c’est un chemin tortueux qui s’ouvre devant vous… Si le langage parle de Ténèbres Trompeuses, sachez que ce n’est pas par hasard… Les Ténèbres sont partout… Oui, vous avez bien entendu : partout. Même dans notre Saint Royaume, elles parviennent à se faufiler et entrent en vous sous leur forme la plus vicieuse : les émotions… Des émotions qui font naître en leur victime une terrifiante perversité et une immoralité implacable ! Et vous y serez pour ainsi dire confrontés quotidiennement, car à votre grand dam comme au mien, vous allez désormais avoir des rapports réguliers avec l’autre sexe… Si vous en serez protégés, à l’abri dans vos quartiers, vous devrez lui faire face sur le lieu de travail qui vous sera affecté, voire combattre à ses côtés, lorsque vous serez sur le front… Mais j’ai confiance en vous… Deux siècles durant, vous avez accueilli dans vos cœurs mes préceptes, et gravé dans vos esprits une éducation exemplaire… Aussi ne me fais-je pas de souci pour vous… Je sais d’avance que vous me ferez honneur… Soyez braves mes enfants, soyez vertueux, et vous serez certains que vous ferez la fierté de votre Créateur… »
Dès que le prêtre referma son parchemin, les applaudissements éclatèrent dans la salle… J’aurais personnellement préféré m’en abstenir, mais je savais ce que je risquais… J’eus cependant la surprise de constater que Michael n’applaudissait pas, et fus encore plus surpris de constater que les gardes ne bougeaient pas le petit doigt… Sans doute parce que cet ange portait déjà la volonté du Créateur sur ses épaules depuis le jour où son propre frère est devenu le roi des Enfers…
Toujours est-il que nous pûmes enfin nous échapper de cette ennuyeuse cérémonie, dans la discipline certes, mais non dans le silence qu’il nous avait ordonné d’observer précédemment … En effet, tous les nouveaux adoubés parlaient maintenant avec enthousiasme des batailles qui se profilaient à l’horizon… Je compris aisément qu’ils étaient particulièrement assidus aux cours car ils ne parlaient que de leur fierté de se voir enfin accorder l’honneur de servir le Créateur… Mais nul ne prit la peine de s’adresser à Michael… Je pris donc sur moi de réparer cette négligence : « Alors heureux ? » Aucune réponse… Soit je n’avais pas parlé assez fort, soit il m’ignorait… Quoiqu’il en soit, mon ego était blessé… Aussi ne lâchai-je pas l’affaire… « Ça te fait quoi de porter enfin une arme qui te permettra de frapper autre chose que des mannequins d’entraînement ? » Toujours aucune réponse… N’étant pas d’un naturel patient, je commençais à trouver cette situation des plus irritantes, surtout qu’autour de nous commençaient à jaillir quelques commentaires vaseux… « Hé j’te cause !!! - Mais tu vas me foutre la paix oui ?! » Ce n’était pas vraiment la réponse que j’espérais, mais au moins le fait d’avoir une réaction me permit de me sentir un peu moins idiot sur le coup… Moins idiot mais pas moins furieux… « Mais qu’est que tu me gueules dessus ?! Je t’ai adressé la parole poliment tu pourrais en faire autant sale pistonné ! - C’est moi que tu appelles pistonné ?! - Qui d’autre ?! Si je m’étais comporté de la même manière que toi, et crois bien que ce n’était pas l’envie qui me manquait, je me serais déjà fait embarquer !!! - Et en quoi ça me concerne ?! » D’une manière que l’on qualifierait d’instinctive, nous nous étions déjà agrippés par le col, et la main qui était restée libre était prête à frapper… Mais l’impact n’eut pas lieu… Nous sentîmes nos pieds quitter le sol alors que nous n’avions pas déployé nos ailes… En tournant la tête, je vis que j’avais été soulevé par un garde du temple qui devait bien faire deux fois ma taille… Les créations du Très Haut lui permettent vraiment de prévenir tout incident dans son Saint Royaume apparemment… Toujours est-il que notre début d’échauffourée avait mis le prêtre passablement en colère… Une colère palpable, bien qu’il s’efforçait de parler posément… « Mes enfants… Que signifie cet incivisme ? Ce n’est pourtant pas ainsi que Dieu vous a modelés… Vous n’êtes pourtant pas sans savoir que la colère fait partie des sept pêchés capitaux… Auriez-vous déjà abandonné vos cœurs encore si fragiles aux Ténèbres tentatrices ? Et vous Michael ? Votre lignée ne vous incombe-t-elle donc pas de montrer l’exemple ? Mais je ne puis vous blâmer… Vous êtes encore si jeunes… Cependant vous devez comprendre la gravité d’un tel comportement… Gardes ! Une nuit en cellule d’isolement pour ces deux jeunes brebis égarées… » Et les gardes s’exécutèrent, nous portant sans peine jusqu’à un endroit sombre et bien reculé, bien au-delà des limites de la capitale… Ce n’est qu’au bout d’une bonne demi-heure de route que nous aperçûmes les créneaux d’une prison à l’allure particulièrement délabrée… A tel point que je ne voulus même pas imaginer la cause de l’odeur de pourriture qui se dégageait des murailles… Quoi qu’il en soit, après nous être fait confisquer notre arme fraîchement acquise, nous fûmes jetés en cellule sans la moindre cérémonie et nous n’entendîmes que trop distinctement le cliquetis de la serrure qui se refermait… La cellule ne payait pas de mine, et l’on pouvait ajouter que même un chien errant refuserait de s’y réfugier… Nous n’avions en tout et pour tout qu’un tas de foin peu accueillant en guise de lit, une cruche d’eau à la potabilité douteuse et un bout de pain que je préférai laisser à la famille de rats qui nous tenaient compagnie… Comme ni Michael ni moi n’avions envie de profiter du confort d’une botte de foin où séjournait toute une famille de rongeurs, nous fûmes dispensés d’un sujet de dispute… Mais nous ne tardâmes pas à nous fâcher de nouveau… « C’est ta faut si on se retrouve ici… commença Michael - Comment ça c’est ma faute ? Si tu m’avais répondu au moment où je t’avais adressé la parole, j’aurais pas eu de raison de m’énerver ! - Ça va pas non ?! Si l’idée que je n’avais tout simplement pas envie qu’on me parle était parvenue à la masse informe qui te sert de cerveau, on n’en serait pas là !!! - T’es pas fichu de répondre quand on te parle et c’est moi le responsable ?! - La ferme vous deux !!! » La voix tonitruante du gardien nous avait coupés dans notre élan, aussi nous décidâmes de nous attribuer chacun un coin de la cellule, et de ne plus en bouger jusqu’au lendemain… Mais le silence ne dura guère… Cependant nous étions calmés… « Qu’est-ce qui te motive à rejoindre l’armée ? me demanda Michael - Absolument rien… Si ce n’est peut-être le fait que ça me permettra d’être le plus loin possible de cet endroit… - Tu n’es pas tellement différent de moi alors… - Tu ne comptes pas poursuivre Lucifer au nom de Dieu ? - Je m’en bats de Dieu ! » Un silence gêné suivit cette exclamation… Puis vint un nouvel avertissement du gardien, qui dans la foulée nous promit de nous faire passer la nuit dans cour de la prison s’il nous entendait proférer un autre blasphème… « Qu’est-ce qui te motive dans ce cas ? - Je veux tuer mon frère… Le reste, ça m’est égal… - Tu veux le tuer… Pour ton propre bien ? - Avant qu’il ne prenne le nom de Lucifer, il était l’ange favori de Dieu… La plus magnifique de ses créations, disait-il… Et moi j’ai toujours vécu dans son ombre… Même maintenant qu’il a trahi Dieu, j’ai toujours cette impression… - Un complexe d’infériorité… - Appelle ça comme tu veux… ça ne change rien au fait que je le tuerai tôt ou tard… Ne serait-ce que pour prouver à la totalité du Saint Royaume que je suis bien meilleur que lui. - C’est bien ce que je dis… Un complexe d’infériorité… Mais en même temps je peux comprendre qu’on ait envie d’affronter les plus forts… ça a un je ne sais quoi d’excitant quelque part… - T’es pas net… - Tu n’es pas le premier à me le dire va… Allez bonne nuit… » Je dis cela plus pour la forme qu’autre chose, car j’avais bien du mal à trouver le sommeil dans un endroit aussi crasseux… C’est donc dans le silence total que nous terminâmes notre nuit dans ces cachots insalubres… Mais pouvions-nous vraiment parler de nuit ? L’on pouvait en effet affirmer que le Créateur abhorrait vraiment les Ténèbres, et ce au point que la nuit ne tombait jamais réellement sur le Saint Royaume… Nous ne connaissions le concept de nuit que parce que nos instructeurs nous avaient mis plus d’une fois en garde contre ce phénomène, paraît-il fréquent dans la Géhenne, mais aussi dans le monde des humains… L’espace de quelques heures, les Ténèbres s’abattaient sur ces deux mondes, et ce à intervalles réguliers… Dans le Saint Royaume, c’est à peine si le ciel devenait plus foncé… Nous ne savions qu’il « faisait nuit » que lorsque les gardes nous l’indiquaient, eux-mêmes prévenus par leurs supérieurs sans doute… Mais au final, c’était sans doute Dieu lui-même qui en décidait, du même que du reste de la météo… Toujours est-il que malgré le manque de confort des lieux, nous parvînmes à dormir quelques heures, au bout desquelles un garde tambourina à la porte de la cellule, nous ordonnant de nous tenir prêts à repartir… Ce n’était pas vraiment nécessaire : nous n’avions aucune envie de prolonger notre séjour dans ce trou à rats…
mais j'ai une question, suivant la bible qui dit que dieu aime tout ses fils, comment peut-il vouloir detruire le mal étant donner que c'est une entitée pacifiste ?
je sais je suis chiant je sors ^^'
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Shiranui
Meileen's Metalcore Angel
Mage de Saphir
Posté le 19-01-2006 à 23:01:06
On ne peut se fier à la Bible, car ce sont des humains qui l'ont écrite, et ce dans le but de répandre la religion chrétienne afin de mieux manipuler les masses
On ne nous offrit pas d’escorte pour le retour en ville… On nous indiqua simplement la sortie, et les portes se refermèrent lourdement derrière nous… Nous commençâmes alors à marcher en direction de la capitale… Côte à côte certes, mais en ayant tout de même instauré un périmètre de sécurité entre nous deux, marchant chacun à une extrémité de la route. Si nous avions consenti à parler sans nous envoyer d’insultes, nous n’étions par pour autant devenus amis… De toute façon, le peu de répliques nous échangeâmes ne nous conduisirent qu’à décider de nous boycotter l’un l’autre pour avoir la paix… Mais mine de rien, il est rapidement très énervant d’être en compagnie de quelqu’un et de ne rien avoir à lui dire… Aussi fatalement, la conversation finit par s’engager : « Tu comptes faire quoi une fois arrivé en ville ? Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Absolument rien en effet… Me pose pas la question alors !!! Je suis de nature curieuse… Tu es surtout chiant !!! » Et le silence s’imposa de nouveau… Mais je le brisai quasi-aussitôt : « A ton avis quand est-ce qu’ils nous enverront sur le front ? Bien assez tôt sûrement… Ils ont trop besoin de nouvelles recrues dans leur guerre contre la Géhenne pour se permettre de nous faire attendre… Je suppose qu’on est censés en être fiers… C’est ce qu’ils veulent… On a été éduqués dans ce but… ‘Conditionnés’ me paraît un terme plus exact… Pas bête… Pour une fois… » Et en continuant à parler de choses et d’autres, nous avions parcouru la moitié du chemin… Je me remuai donc les méninges pour essayer de faire en sorte que le deuxième moitié du voyage ne soit pas trop silencieuse : « Dis-moi… Quoi ? Tu as déjà vu une fille ? Non mais ça va pas ?!! Jamais ?! Pourquoi tu t’énerves ? Tu as gobé docilement tout ce qu’on nous a fait ingurgiter à leur sujet en cours ? Ne me dis pas que… Hm… Il ne me paraît pas prudent de t’en parler… Traite-moi de balance tant que tu y es !!! Bon ok je vais te faire confiance… J’ai trouvé une combine toute bête pour aller les voir… Demande à un de tes amis de prétexter une atteinte à la morale auprès des gardes de la frontière, et le temps qu’ils vérifient sur place, tu as le temps de profiter d’un spectacle des plus enchanteurs… T’as vraiment un problème toi... » Michael ne résista pas toutefois à l’envie de me demander quelques minutes plus tard : « Et elles étaient comment ? Je ne sais pas vraiment comment les décrire… Mais elles ne paraissaient pas très fidèles aux descriptions qu’on nous donnait en cours ça c’est sûr… Dans le genre précis on a déjà fait mieux… T’inquiète pas va… D’après le prêtre on sera amenés à les côtoyer dans les années à venir… Doit-on vraiment s’en réjouir ? D’après lui, non… Et d’après… LUI… Surtout pas… » Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire… Heureusement que nous n’étions pas aux portes de la ville à ce moment-là, sinon j’avais droit à une nouvelle nuit au cachot pour blasphème… Mais rire me procurait toujours un bien fou… Et visiblement, la bonne humeur est une maladie contagieuse, car Michael lui-même ne parvint pas à réprimer un rire étouffé… Nous nous efforçâmes toutefois de reprendre une mine des plus sérieuses en arrivant au niveau des portes de la capitale… Zeruel et Kael nous attendaient de l’autre côté des portes, et j’avoue que même si je ne le montrais pas pour « ne pas porter atteinte à la morale », j’étais assez content de les revoir… Sans un mot nous nous rendîmes tous les quatre au jardin d’Eden… Après nous être assis à l’ombre d’un des nombreux pommiers du parc, nous rompîmes enfin le silence : « Alors cette nuit à l’ombre ? commença Kael Les dortoirs m’ont presque manqué c’est dire si on était mal logés… Il faut dire que sur ce coup tu as vraiment cherché les ennuis, ajouta Zeruel sur son habituel ton neutre… S’il m’avait répondu quand je l’avais appelé on n’en serait pas arrivés là, répondis-je aussitôt en y allant de ma mauvaise foi habituelle S’il n’y avait pas une nuit au cachot à la clé, je te ferais connaître ma pensée sur le point de vue que tu viens de donner, répliqua Michael… » Un silence un peu lourd suivit cet échange… « Faisons une trêve… suggérai-je au bout de quelques instants Je n’ai pas le souvenir d’avoir fait de toi mon rival en titre Au vu des problèmes que tu nous attires on ne croirait pas Mais c’est toi qui es à l’origine de tout ce qui nous est tombé dessus !!! C’est un dialogue de sourds… C’est surtout toi qui ne veux pas entendre raison ! Il n’a pas tort… intervint Zeruel Si même toi tu te mets contre moi… Mais je ne présenterai pas d’excuses. Je ne t’ai rien demandé. Répondit sèchement Michael… » Ce fut peut-être bien la dernière conversation réellement insouciante que nous eûmes avant de nous retrouver sur le front… Car nous n’eûmes à attendre qu’une nuit ne s’écoule avant qu’on ne nous informe que nous allions enfin avoir l’insigne honneur de servir l’idéal du Très Haut en rejoignant les rangs des combattants qui nous ont précédés sur le front de la Géhenne… Cette nuit-là, une excitation inhabituelle régnait dans le dortoir… Les plus endoctrinés d’entre nous parlaient avec enthousiasme des combats à venir, ne voyant dans cet enfer de lames et de sang rien d’autre que l’opportunité de satisfaire les attentes de leur Créateur… Ce genre de commérage était sans doute jugé hautement positif par les hautes instances, car à aucun moment les gardes ne vinrent nous ordonner de cesser ces bavardages pourtant désagréablement bruyants… Bavardages auxquels moi et mes comparses nous abstînmes de participer, mais dont nous ne pûmes couvrir le bruit avec nos propres sujets de conversation… Nos paroles étaient pour ainsi dire noyées dans le flot incessant de ces discussions de propagande… C’est bien de propagande qu’il s’agissait : tous ces anges avaient été si efficacement conditionnés par deux siècles d’instruction qu’ils répandaient la parole du Seigneur partout à la moindre occasion… Le servir était devenu leur unique joie, leur seul désir… Et mourir pour lui leur paraissait logique… Ils avaient perdu tout sens de l’identité… Ils faisaient désormais partie d’un tout, une masse unie sous le même maître, prête à livrer bataille contre tout ennemi qu’il leur désignera… Sa parole est vérité, aussi absurde paraisse-t-elle… C’est à l’aube que des soldats firent une entrée tonitruante dans le dortoir. Alors que nous nous mîmes au garde-à-vous aussi vite que possible, le plus gradé d’entre eux annonça : « Vous êtes maintenant des soldats de notre grand et bien-aimé Seigneur ! Plus que jamais, aucun écart de conduite ne sera toléré ! Vous êtes désormais les émissaires de Dieu et par la même ceux qui répandront sa sainte volonté dans les contrées corrompues où règnent le vice, la luxure, et l’immoralité ! C’est pourquoi vous allez aujourd’hui rejoindre le front de la Géhenne, là où ces odieuses créatures que sont les démons défient encore et toujours notre Seigneur ! » A ce bruyant discours succédèrent les vivat de nos ‘camarades’, tout heureux qu’ils étaient de prendre enfin les armes. Conditionnement intensif et endoctrinement général, le programme éducatif avait porté ses fruits… L’individualité n’existe plus, le bonheur du Seigneur est le bonheur de tout ange, et tout ange qui tombera au combat mourra avec le sourire car il est heureux de servir l’idéal de son Dieu. Pendant le petit-déjeuner, le réfectoire était contre toute attente plongé dans un calme extrême… Ceux qui quelques minutes plus tôt se réjouissaient à l’idée d’aller au front réalisaient qu’ils allaient peut être rencontrer la grande faucheuse… Mais hélas, ce calme dont je me réjouissais intérieurement fut de courte durée, car ces mêmes angelots qui, l’espace d’un instant, avaient vu leur motivation affaiblie par l’éventualité d’une mort violente, se remirent soudainement à scander les louanges du Très Haut au moment du bénédicité. Peu leur importait alors de mourir, tant que ce fût en son nom. Ne leur avait-il après tout pas été inculqué que les âmes des justes se reposeraient en un lieu de villégiature éternelle, où ni la souffrance, ni le vice n’existaient, où la paix de l’âme était atteinte ? Ce lieu, ils l’appellent ‘Paradis’… Il n’existe pas de description précise d’un tel endroit, si ce n’est qu’on nous y promet un bonheur sans limites. Et il s’avère que ce lieu a également un alter ego opposé. Connu sous le nom d’Enfer, ce lieu serait la destination finale de ceux qui se sont rendus indignes de la clémence du Très Haut. Il est alors amusant de se voir enseigner que ce monde est dirigé par Baal, un démon de haut rang, tout aussi stigmatisé que Lucifer. Un arrangement à l’amiable entre les hautes instances ? Allez savoir… Ma réflexion fut coupée par le cor de rassemblement qui retentissait à l’extérieur du réfectoire. Bien que beaucoup d’entre nous n’avaient pas fini de manger, nous sortîmes et nous mîmes bien en rang, comme on nous l’avait enseigné pendant quelques quatre siècles.