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 La lune d'argent

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Talentyre
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Talentyre
   Posté le 21-10-2006 à 13:47:59   Voir le profil de Talentyre (Offline)   Répondre à ce message   http://mini-riri.skyrock.com   Envoyer un message privé à Talentyre   

1 – Sous la lune de sang


Tout a commencé à cause d’une bête dispute. Je suis arrivée chez moi vers huit heures et demi du soir. J’avais à peine ouvert la porte qu’une main attrapait mon col pour me tirer en arrière. Les cris s’enchaînaient alors que je voyais le visage rouge de mon père. Il était hors de lui, mais j’y étais habituée. Il hurlait à tout va, si bien que je ne comprenais que la moitié de ses paroles. Je déchiffrais les mots « rapport administratif », « notes catastrophiques », et « ça ne durera pas ». Pendant qu’il disait ça, je suis tombée par terre ; je me redressais alors difficilement, le poids de mon sac m’entraînant vers l’arrière. J’ai reçu une baffe, et une autre, chacune d’entre elle me clouant de nouveau au sol. C’était comme ça depuis près de six mois, depuis qu’on avait enterré maman.
Avant déjà, je n’aimais pas beaucoup mon père ; après, je devais supporter les crises répétitives, durant lesquelles mes deux frères n’auraient jamais daigné prendre ma défense. Mais j’avais l’habitude : c’était ainsi et je n’y pouvais rien. Depuis six mois, donc, les évènements avaient voulu que je me désintéresse tout à fait des études. J’entamais mon année de première d’une manière assez dramatique, incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Mais cela n’avait plus aucune importance pour moi : je n’avais même plus envie de me tracasser avec ce genre d’histoire. Je vivais mon quotidien, indifférente à tout, et j’aurais pu mourir sur le moment sans regret.
Je ne sais pas pourquoi, mais ce soir là, au lieu d’écouter bien sagement l’habituel sermon hurlé et recevoir les coups sans broncher, je suis partie. J’ai couru hors de l’appartement sans même laisser mon sac ; j’ai couru vite, comme je n’avais jamais couru avant, sans même savoir pourquoi : mon corps s’était enfui avant même que je ne m’en rende compte. J’ai ainsi regagné les rues presque désertes, éclairées par quelques lampadaires, dans le froid de cet hiver qui s’annonçait. Lorsque j’estimais être assez loin de chez moi, je me suis arrêtée. Je me suis assise par terre et j’ai soufflé un peu. Le quartier dans lequel j’avais atterri, je ne le connaissais pas ; d’ailleurs, je trouvais ça préférable, car j’étais au moins sûre de ne pas être facilement retrouvée. Mais je n’étais même pas sûre que mon père soit parti à ma recherche, ce soir là. D’ailleurs, je ne l’ai jamais su.
Au bout d’un moment, je me suis levée, grelottant légèrement. La fatigue me gagnait, et j’espérais trouver un petit coin où j’aurais pu me reposer. J’ai alors marché un peu, dans les rues sombres, vides, et le silence m’a fait du bien. Il y avait dans le ciel une grosse lune ronde et blanche que je regardais avec fascination.
A un moment, j’ai vu une silhouette au bout de la rue ; elle s’est rapprochée un peu, et j’ai pu distinguer que c’était un homme. N’importe quelle adolescente de mon âge aurait eu peur, à cet instant, de l’inconnu qui s’avançait. Je n’avais pas peur, je n’ai pas bougé. Il est arrivé vers moi. J’ai vu son regard briller dans l’obscurité, d’une magnifique lueur aux éclats dorés. Ca m’a d’abord étonné. Il s’est avancé encore et n’a pas dit un mot. J’allais lui demander ce qu’il me voulait, mais il a fait un pas et j’ai vu son visage dans un rayon de lune. Cet homme, je le connaissais : c’était un de mes anciens professeurs.
A première vue, je n’avais rien à craindre de lui ; au contraire, il avait été le seul capable de m’aider à surmonter la mort de maman, et je pense qu’il m’appréciait. Pourtant, il me semblait légèrement différent de l’ordinaire. Je pensais alors que c’étaient les conditions de notre rencontre qui me donnaient cette impression.
Je n’ai rien dit parce que je n’avais rien à dire. Je pensais formuler un simple « bonsoir », mais ce seul mot est resté coincé au fond de ma gorge. Il a encore fait un pas vers moi ; je crois alors qu’il ne m’avait pas reconnue, parce qu’il ne m’a pas parlé : je le connaissais jovial, bavard et ouvert. Ce soir, pourtant, il semblait tout autre.
J’ai senti alors sa main sur mon épaule, alors qu’il approchait son visage du mien ; ne comprenant pas, j’ai reculé. J’ai distingué la forme de son visage dans la faible lueur lunaire, j’ai aperçu un objet pointu, semblable à un croc, et il s’est encore approché. Moi, j’ai reculé. Il s’est alors arrêté, me fixant avec surprise, comme s’il se réveillait d’un rêve ; son regard jaune – je pensais jusqu’alors que ce n’était qu’un reflet – se plantait dans le mien. Il me sembla l’entendre murmurer mon nom, d’une voix rauque. Il plaqua alors ses mains sur sa tête, me répétant de fuir ; je n’ai pourtant pas eu le temps d’exécuter cet ordre si soudainement formulé. Il avait accroché ses bras autour de mes épaules, et j’ai senti quelque chose se planter dans mon cou, transperçant ma chair et laissant couler un mince filet de sang ; le reste, il semblait le boire. Sans savoir pourquoi, j’étais incapable de me défaire de cette étreinte. Il a finalement retiré ses crocs, avec une légère giclée de sang. Ma peau me brûlait, et je sentais quelque chose bouillonner en moi. Lui s’était mis à pleurer ; du moins, je crois avoir vu des larmes couler sur ses joues. Il me regardait d’un air désespéré, bredouillant des excuses qu’il semblait incapable de formuler. A ce moment là, je n’avais pas compris.
J’ai senti mon cou me brûler davantage, et quelque chose comme un besoin violent. Ma tête était lourde et j’avais le vertige. La lune semblait tourbillonner autour de moi, se teintant de rouge chaque seconde, jusqu’à devenir totalement écarlate.
Je ne sais pas ce qui m’a pris alors. Je n’ai qu’un souvenir vague de ce qu’il s’est passé ; j’ai accroché mes bras autour de mon professeur, qui restait devant moi, et, laissant les pulsions et l’envie guider mon corps, j’ai planté des crocs que je ne découvrais qu’alors dans le cou de ce dernier. La chair s’entaillait instantanément, et quelques gouttes de sang coulèrent sur ma langue. J’ai souvenirs d’un profond sentiment de sérénité, alors que je savourais le sang de cet homme. Il semblait comprendre mon geste, et je crois bien même qu’il me serrait dans ses bras. S’il me laissait boire ainsi, je pense que c’était comme pour se faire pardonner. Les images se sont peu à peu effacées, et le vide m’a envahi. Plongée dans un sentiment de bonheur inhabituel, j’ai trouvé le sommeil malgré moi.

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Ikkaru
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Barde des Nuages
Ikkaru
   Posté le 21-10-2006 à 16:19:44   Voir le profil de Ikkaru (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Ikkaru   

Whooo ... j'ai hâte de lire la suite s'il y en a une O__o


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Lovie
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Lovie
   Posté le 25-10-2006 à 15:26:53   Voir le profil de Lovie (Offline)   Répondre à ce message   http://aetas.alloforum.com   Envoyer un message privé à Lovie   

il y a interet a ce qu'il y ai une suite!!!


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Mitoko triball
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Mitoko triball
   Posté le 25-10-2006 à 16:48:31   Voir le profil de Mitoko triball (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Mitoko triball   

J'adore aussi *_____*
Et le style est toujours aussi plaisant à lire! *___*


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   Posté le 27-10-2006 à 12:24:33   Voir le profil de Talentyre (Offline)   Répondre à ce message   http://mini-riri.skyrock.com   Envoyer un message privé à Talentyre   

Bien sûr qu'il y a une suite

2 – La folie dans l’attente


Je me suis réveillée dans une pièce assez sombre. Avant même d’avoir ouvert les yeux, je sentais la faim déchirer mes entrailles. Lentement, je découvrais les reliefs de la fenêtre qui laissait filtrer quelques rayons lumineux aux travers des volets mi-clos. Les souvenirs de la veille ne m’apparaissaient encore qu’en lambeaux d’images et de sensations. Je ne savais ni où j’étais, ni pourquoi.
J’ai tourné la tête vers la silhouette que dessinait la lumière blanche dans l’encadrement de la fenêtre. J’ai reconnu mon ancien professeur, qui fixait le vide, un café à la main dont s’échappait une légère vapeur, formant une aura de buée sur le carreau sale. Sans dire un mot, je me suis redressée ; il a tourné la tête vers moi, alors que je m’asseyais sur le lit. Il s’est alors levé, silencieux, et a allumé une petite lampe avant de s’approcher de moi. Il a déplacé sa chaise pour la poser près de mon lit, et m’a demandé si j’avais peur. J’ai répondu que j’avais confiance. Je crois que ça lui a fait plaisir, parce qu’il m’a semblé le voir amorcer un sourire triste. Il m’a ensuite demandé si j’allais bien. J’ai avoué avoir mal à la tête, puis le silence est revenu. Il a posé sur moi son regard, et je remarquais que ses pupilles avaient retrouvés leur couleur foncée. Il m’a alors proposé de manger quelque chose. Comme j’avais très faim, j’ai accepté son invitation, et nous nous sommes installés à une petite table, devant la fenêtre. Il a amené du pain frais, du jambon et des pâtes, s’excusant de n’avoir rien de mieux. Je lui ai dit que ça ne me gênait pas, et j’ai mis un morceau de pain dans ma bouche. Il m’a semblé n’avoir presque aucune saveur, aucune texture, alors j’ai goûté les pâtes. Mais celles-ci comme le jambon me faisaient le même effet. Mes entrailles hurlaient toujours lorsque j’ai mis de côté l’assiette, avec une vague nausée.
« Une fois qu’on a goûté au sang, c’est difficile de revenir à la nourriture humaine », a alors dit mon professeur. Je n’ai pas commenté. Je ne comprenais pas tout à fait ce qu’il se passait. Curieuse mais aussi légèrement anxieuse de savoir, j’ai tout de même demandé des explications. D’abord, le silence. D’une voix presque désolée, il finit par m’annoncer qu’il m’avait transmis une malédiction. J’ai demandé de quoi il s’agissait. Il a prononcé le mot « vampire ». Ces histoires, je les avais bien sûr lues dans les contes, mais jamais je n’aurais cru véritable l’existence de tels êtres. Pourtant, la veille, j’avais bien ressenti cette envie, ce besoin, pire encore, cette pulsion, qui ordonnait à mon corps de se nourrir de sang. La cicatrice brûlait encore mon cou, pareille à celle que j’avais faite à mon professeur. C’était comme un échange, comme un pacte que nous avions alors passé. J’étais devenue comme lui, vampire.
Au bout d’un moment de silence, j’ai dit qu’il avait l’air d’aller mieux que la veille. Il m’a alors expliqué que c’était la lune qui agissait ainsi. Son sang bouillonnait et les envies étaient difficilement contrôlées lorsqu’elle était visible, comme la veille. En terminant sa phrase, il m’a servi une tasse de café. J’ai saisit le récipient et y ait porté mes lèvres, avant de savourer le liquide, qui rappelait légèrement à mon palais la chaleur du sang.
« Et vous ? » demandais-je enfin. Devant son silence perplexe, j’ai continué : « Qui vous a mordu ? » Il semblait étonné que je ne sois pas plus surprise, ni traumatisée de ma nouvelle condition. Après tout, si j’avais troqué ma vie de lycéenne en perdition contre celle de vampire, je n’avais pas perdu grand-chose ; et comme je ne savais rien de ce qui m’arriverait par la suite, l’idée de nouveauté me plaisait. C’était comme un autre départ.
Il m’a finalement répondu que c’était sa femme. Elle-même ayant tenté de mener une vie normale, elle avait fini par céder aux pulsions, un soir. Elle l’avait laissé en vie, s’empêchant d’épuiser le contenu des veines. C’était comme ce qu’il avait fait pour moi. Ensuite, nous nous sommes tus ; je crois qu’il n’aimait pas trop parler de sa femme. Du temps a passé en silence, alors que je ne pouvais empêcher mon regard de s’attarder sur son visage ; il me semblait redécouvrir cette personne, derrière une barrière supposée infranchissable. Malgré l’acceptation de ma condition, ses traits trahissaient son angoisse et sa gêne à mon égard. J’ai finalement dit qu’il m’avait peut-être sauvé de mon destin. Il m’a souri tristement et s’est levé.
Après un silence, il a demandé : « Tu te souviens de ce que tu as ressenti hier ? » J’ai réfléchi un instant, avant de répondre que je n’étais pas sûre. Au début, je ne savais pas ce qu’il se passait. J’avais laissé mon corps agir seul et planter ces crocs jusqu’à présents inexistants dans son cou, comme il l’avait fait sur moi – c’était, d’ailleurs, une raison de plus pour m’empêcher de lui en vouloir pour son acte, car j’en comprenais la raison. Ensuite, lorsque les premières gouttes de sang ont perlé, c’est le plaisir qui a pris le dessus. Le sang est la drogue des vampires, m’a-t-il expliqué. Boire du sang humain transforme la cible en vampire, si on le laisse en vie. Alors il m’a averti, d’une voix grave, que si jamais je devais céder aux pulsions de mon corps, je ne devrais pas commettre son erreur : il me faudrait achever ma cible, même si c’est un ami. Comme je n’avais pas d’amis, cela ne semblait pas être un problème pour moi.
J’aurais pu poser encore de nombreuses questions, qui déferlaient dans mon esprit : pourquoi ne pas boire son propre sang ? Pourquoi ne pas partager le sang entre vampires ? Pourquoi une telle dépendance ? Mais au fond, cela ne m’aurait pas apporté grand-chose d’en savoir davantage. Si cela se passait ainsi, c’est que ce besoin était certainement vital. Et comme j’étais fatiguée de réfléchir, fatiguée de parler, je n’ai plus dit un mot.
Finalement, il m’a dit qu’il devait partir : l’aube pointait en ce mercredi matin, et mon intrusion dans sa vie ne changeait en rien sa condition de professeur. Il a donc quitté la chambre, et, quelques pièces plus loin, j’ai entendu une lourde porte claquer.
Le silence s’est tout de suite installé. Je suis restée assise un instant, puis je me suis levée pour visiter le reste de l’appartement. Derrière la porte, on trouvait une petite salle à manger, meublée d’une table et de deux chaises. Dans un coin de la pièce, un vieil évier, quelques plaques électriques, un réfrigérateur et un support de travail formaient la cuisine. Le robinet fuyait, une goutte d’eau martelant à rythme régulier le fond de l’évier, mais je n’y prêtais pas attention. Mon regard a scruté dans l’obscurité la pièce entière, puis j’ai visité une salle de bain tout ce qu’il y a de plus classique. J’ai traîné de longues minutes dans les pièces désertes, cherchant une occupation quelconque, désireuse d’oublier la faim qui tordait mon ventre. Finalement, je suis retournée dans la salle à manger, et me suis assise sur une chaise, les deux coudes plantés dans la table.
J’ai alors eu tout le temps qu’il me fallait pour réfléchir à ma situation. Je ne savais rien de ce qui se passerait : je ne reverrais peut-être jamais ma famille, mon appartement, mon lycée, tout ce qui constituait mon quotidien. D’une certaine manière, j’étais contente, mais je ne pouvais retenir l’inévitable peur de l’inconnu.
Je ne sais combien de temps je suis restée sans bouger, perdue dans mes réflexions : ainsi, j’oubliais ma faim, mais mon malaise ne faisait qu’augmenter. J’avais le sentiment que des heures entières s’étaient écoulées depuis le départ de mon professeur. C’est là que j’ai compris ma dépendance à sa personne ; ç’avait été la même chose lors de la mort de maman. On avait beaucoup parlé, et, grâce à lui, j’avais pu finir l’année sans difficultés. Les vacances passées, par contre, ses propos et son image étaient trop loin de moi pour qu’elles fussent encore efficaces. J’aurais eu besoin de quelque chose de plus, d’un encouragement, mais je ne l’avais vu parler qu’avec d’autres élèves, et mon sentiment de confort s’était alors évanoui. C’était un fait que j’avais encore du mal à accepter : lorsqu’il n’était pas là, j’avais le sentiment d’être faible, insignifiante… Je crois que je n’aurais supporté le fait de devenir vampire venant d’une autre bouche, mais à ses propos, et malgré son malaise, j’étais presque heureuse.
Je torturais ainsi mon esprit, souhaitant comprendre la raison de ce manque, de cette solitude que je ne ressentais qu’alors. Pourquoi fallait-il qu’il soit si important à mes yeux ? Chacun de ses gestes, de ses paroles, revenait à mon esprit, plus percutantes que jamais, entaillant plus profondément dans mon cœur un étrange sentiment d’abandon. A l’époque, je ne savais pas vraiment ce que je ressentais pour lui ; aujourd’hui, je peux vous dire qu’il s’agissait de pur et simple respect. Et cela me paraissait étrange, car il fut la seule personne au monde que j’ai jamais respecté.
Je me suis levée subitement, espérant fuir ainsi mes pensées douloureuses. Le robinet ne cessait de goûter, infernal, et ce son répétitif s’ajoutait à mon énervement. J’ai voulu resserrer les poignées, mais elles étaient déjà fermées au maximum. Alors j’ai cherché sur un mur ou un meuble une horloge, un réveil, une montre, quoi que ce soit pouvant m’indiquer l’heure ; aucune des pièces de cet appartement ne semblait en être munie. Je pensais avoir vu s’écouler plusieurs journées déjà ; un regard à la fenêtre amorçait la descente du soleil sur la petite cour déserte sur laquelle donnait la chambre. Ce n’était donc encore que le matin.
Au bout d’un moment, je me suis levée, et j’ai voulu sortir, mais la porte était verrouillée. J’ai à nouveau tenté de faire taire l’infâme robinet. Comme il continuait de vouloir me torturer, je l’ai défait de son socle d’un geste incontrôlé. Quelques gouttes d’eau ont perlé avant que ne se forme une petite fontaine, inondant déjà la minuscule cuisine. J’ai frappé violemment le reste de l’évier, qui s’est légèrement déformé sous mes coups. J’étais aspergée d’eau, et cela m’énervait encore plus. Je ne sais plus vraiment pourquoi, mais la rage s’est emparée de moi. J’ai ouvert violemment le réfrigérateur, arrachant la poignée de ses gongs avec une force qui m’était jusque là restée inconnue, et j’ai renversé le reste du meuble, dont le contenu s’est vidé sur le sol inondé. J’ai pris une chaise et l’ai fracassée contre la table, qui, elle-même, s’est bien vite brisée en deux. J’ai vidé toutes les étagères de leur vaisselle, qui s’est cassée sur le sol avec fracas. Je suis allée dans la chambre, j’ai explosé la petite lampe sur le sol, déchiré les draps du lit, renversé le matelas et brisé presque toutes les lattes. Enfin, j’ai frappé un grand coup dans la vitre qui a volé en éclats.
Quelques gouttes de sang ont perlé ; j’ai remarqué une large entaille dans ma main, accompagnée d’une vive douleur. Quelques morceaux de verres étaient restés plantés, déchirant la chair, et le sang coulait, abondamment, éveillant ma faim. J’ai porté mes lèvres à la plaie et j’ai léché le liquide rouge. La sensation n’était pas la même que la veille. Ce sang était amer, mais la chaleur me réconfortait. J’ai parfois aspiré la blessure, espérant récolter toujours plus de nectar, mais à chaque tentative, la douleur qui cisaillait ma main arrêtait mon élan. Finalement, j’ai glissé le long du mur, et par terre, j’ai saisit un morceau de drap, et l’ai enveloppé autour du membre déchiré. Cette douleur ne signifiait pas grand-chose comparée au bonheur de cette soif enfin contentée. Après, je crois que j’ai dormi…

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Mitoko triball
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Mitoko triball
   Posté le 27-10-2006 à 13:33:40   Voir le profil de Mitoko triball (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Mitoko triball   

Et la suite est tout aussi superbe dans le développement du chaos des pensées de notre jeune amie. ^^
Le style narratif à la première personne n'est pas un style facile à manier qui plus est. Et je trouve que tu t'en sors très bien. ^^
Mis à part queques tournures de style ou phrases redondantes qu'il faudrait éviter. ^^"
Sinon j'adore et je veux la suite! *____*


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   Posté le 03-11-2006 à 16:13:59   Voir le profil de Talentyre (Offline)   Répondre à ce message   http://mini-riri.skyrock.com   Envoyer un message privé à Talentyre   

3 – Trois petits points d’argent


A mon réveil, j’avais totalement perdu la notion du temps. Je ne sentais plus ma main droite, dont la large balafre semblait avoir commencé sa cicatrisation dans le tissu devenu bordeaux. Je n’ai d’abord pas osé bouger ; au bout d’un certain temps, je me suis levée, et je suis allée dans la salle à manger. Le verre brisé jonchait toujours le sol trempé. J’ai fait quelques pas, pataugeant dans les flaques, écorchant mes pieds nus dans les éclats sans même y prêter attention. J’ai encore une fois tenté d’ouvrir la porte, en vain. Après quelques allers-retours, las d’attendre mais n’ayant pas le choix, je me suis assise par terre, dans un coin sombre de la pièce, non loin de cette lourde porte que je ne pouvais m’empêcher de fixer sans relâche.
J’ai attendu comme ça un long moment, sans bouger un cil. Au bout d’un temps, ma main s’est engourdie, puis j’ai senti des picotements le long de la blessure ; ensuite, il m’a semblé qu’elle s’enflammait. Je n’ai pas bougé pour autant. Mes pieds aussi me brûlaient, et je sentais un éclat de verre dans mon talon. Malgré tout, je suis restée immobile. J’espérais et redoutais en même temps le retour de mon professeur. Dans le silence pesant, je croyais parfois percevoir des pas derrière la porte ; mon cœur battait alors plus fort, puis je réalisais que je n’avais entendu que mon imagination.
Le temps me semblait long, et mon seul repère résidait en la faible quantité de lumière qui s’infiltrait par le volet mi-clos de la pièce, dont le rayon traçait une fine ligne sur le sol. Je distinguais ainsi le jour de la nuit. Je suis restée plusieurs jours sans bouger. Combien, je ne saurais vous le dire, car lorsqu’il ne s’écoulait qu’une heure, je croyais voir défiler une année. Je ne parvenais plus à dormir, tenue éveillée par la douleur qui broyait ma main, dont la cicatrisation s’annonçait des plus immondes, et l’odeur qui s’en dégageait semblait confirmer mon impression. La faim broyait toujours mes entrailles, l’envie de sang incessante rappelait à mon esprit ma précédente folie, et si j’en avais eu la force, j’aurais avalé mes deux bras pour parvenir à calmer cet appétit meurtrier. Pourtant, et, je peux sans doute ajouter heureusement, mon corps refusait d’effectuer le moindre mouvement.
Puis un jour, la douce mélodie de la libération est parvenue à mes oreilles. Je croyais encore à l’une de mes illusions désirées en entendant les pas résonner dans le couloir. Cette fois pourtant, j’ai clairement reconnu le son de la clef dans la serrure, et la porte s’est ouverte sous mes yeux avec un grincement. La lumière qui provenait du couloir m’a aveuglée, tant et si bien que je ne distinguais que la silhouette de mon sauveur dans l’entrebâillement de la porte. Il l’a refermée derrière lui, et a traversé la pièce sans me regarder. J’étais alors à moitié couchée sur le sol, et je l’ai vu marcher jusqu’à la chambre. Ses pieds ont rencontré les flaques d’eau, écrasant les débris de verre qui traînaient, sans qu’il n’y prête la moindre attention. Il a allumé la lumière. Mes yeux se sont fermés d’eux-mêmes dans l’aveuglement soudain. Il s’est approché de moi ; je n’ai pas bougé. Je l’ai vu fixer ma main sanglante, et me regarder tristement. Une larme a coulé sur ma joue, sans que j’aie pu la retenir, sans même que je sache pourquoi. A cet instant, je n’avais plus la force de lutter. A ce moment là, je ne comprenais pas pourquoi il m’avait abandonnée ainsi. Lorsque j’étais seule, immobile dans mon coin, je m’étais mis à le détester, je pensais ne pas pouvoir lui pardonner son acte… Mais en le voyant devant moi, quelque chose au fond de mon être ne cessait de vouloir le justifier, et je n’arrivais pas à lui en vouloir.
Doucement, il a pris ma tête dans ses mains et l’a posé contre son cou ; je n’avais pas compris pourquoi, mais mon instinct a pris le dessus. Après un moment sans bouger, ma bouche s’est ouverte, découvrant de longs crocs, que j’ai plantés dans la trace encore fraîche de l’ancienne morsure. Quelques gouttes écarlates ont perlé, un sang frais que j’aspirais avec délectation, une chaleur et une douceur incomparables. Lorsque, parfois, mon animalité accentuait la succion, que le désir était toujours plus important, j’entendais un petit gémissement de douleur de mon professeur, qui, pour autant, me laissait continuer. Enfin, j’ai retiré mes crocs, et j’ai appuyé ma tête contre le mur, le fixant avec gratitude. J’ai demandé d’une voix encore faible pourquoi il avait été si long à revenir. Il m’a simplement répondu que je devais apprendre à calmer mes pulsions, et qu’il valait mieux que je détruise un appartement qu’une ville. Il avait donc tout prévu… L’enfermement, la faim, la folie, et son retour, une fois que la force de tuer m’aurait totalement quittée.
« Pourquoi m’avoir gardée en vie si c’est pour que je sois dans cet état après ? » ai-je finalement prononcé. Il n’a d’abord rien répondu. Je lisais encore la désolation dans son regard, puis il a murmuré qu’il ne savait pas, qu’il avait tout simplement été incapable de m’achever.
Quand j’ai senti ma force revenir, je me suis lentement redressée, et j’ai pu marcher, malgré mes pieds blessés, jusqu’à la dernière chaise encore en état. Mon professeur a alors sorti une boite de son sac, et m’a dit de ne pas bouger. « Un petit coup de pistolet », a-t-il murmuré, et j’ai alors cru qu’il allait me tuer. Mais il ne s’agissait pas de ça ; il a pris de l’alcool et l’a appliqué sur mon oreille, avant d’y plaquer ce qu’il appelait le pistolet. Il y a eu trois petits « clac », mais aucune douleur, alors je ne savais pas encore ce qu’il avait fait. Il a posé l’instrument sur la table ; c’était ce qu’utilisaient les bijoutiers pour percer les oreilles. J’ai demandé pourquoi il avait fait ça. « L’argent a un pouvoir calmant sur nous ». Il a montré l’anneau qui pendait à sa propre oreille. Ce petit bijou, je l’avais toujours vu, mais jamais je ne me serais doutée qu’une telle signification se cachait derrière. « Je t’en mets trois, parce que c’est encore violent. Tu pourras les retirer plus tard, mais pour le moment, c’est nécessaire. »
Il m’a aidé à me lever et m’a conduit au lit de la chambre ; après avoir remis en place le matelas, il m’a demandé de m’allonger. J’ai obéi, puis il a apporté une bassine d’eau et a commencé à soigner mon pied. Il a retiré les éclats de verre, désinfecté la plaie et a bandé le membre blessé. Après, il s’est approché de ma main pour s’en occuper aussi. Cette fois-ci, ce fut bien plus douloureux ; mais pendant qu’il faisait cela, je comprenais qu’il ne m’avait finalement pas abandonnée, et mon cœur se reposait enfin de ces tourments, heureux de savoir qu’il lui restait quelqu’un sur qui s’appuyer.


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Lovie
Portesprit Grondant
Lovie
   Posté le 04-11-2006 à 10:03:02   Voir le profil de Lovie (Offline)   Répondre à ce message   http://aetas.alloforum.com   Envoyer un message privé à Lovie   

trop émouvant....


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Mitoko triball
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Mitoko triball
   Posté le 06-11-2006 à 12:33:23   Voir le profil de Mitoko triball (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Mitoko triball   

Il n'y a rien à dire j'aime vraiment beaucoup ton style d'écriture...
Et les émotions sont tellement bien traduites que le texte en devient véritablement poignant...
Juste une toute petite remarque cependant :
"j’entendais un petit gémissement de douleur de mon professeur, qui, pour autant , me laissait continuer."
J'aurais peut-être plus vu le mot "pourtant" ici. Mais c'est juste un avis personnel. ^^
Sinon, joli petit clin d'oeil les "trois petits points d'argent".
La suite très bientôt j'espère. *___*


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   Posté le 12-11-2006 à 23:41:59   Voir le profil de Talentyre (Offline)   Répondre à ce message   http://mini-riri.skyrock.com   Envoyer un message privé à Talentyre   

4 – Une nuit sans étoiles


Malgré la fatigue et la douleur, j’ai lutté contre le sommeil. Il m’avait pourtant dit, lorsque le nouveau bandage fut mis en place, que je pouvais me reposer, mais j’avais trop peur de le voir disparaître, encore. J’imaginais un nouveau réveil dans la solitude, hors du monde et du temps. Quand j’ai demandé quel jour nous étions, il m’a dit que c’était dimanche. Une semaine était donc passée.
Je me suis redressée, m’appuyant contre le mur pour ne pas m’écrouler. Il a apporté du café, s’est assis sur la dernière chaise en état, et m’a annoncé que le plus dur était passé. Tout ce qu’il me fallait, c’était parvenir à me nourrir comme avant. « Je n’ai qu’à boire mon sang… » ai-je murmuré. « Seulement si tu ne peux rien faire d’autre… Ca te tue à petit feu. » J’ai alors proposé que nous partagions notre sang, comme lorsqu’il m’avait mordue pour la première fois. Il m’a expliqué qu’on en meurt aussi. Je ne savais pas pourquoi, et la raison ne m’intéressait pas. J’étais trop perdue pour songer à ce genre de choses ; je voulais juste retenir mon professeur, qu’il ne s’en aille pas encore.
Pourtant, il m’a annoncé qu’il devrait travailler. A quoi bon continuer d’enseigner dans sa situation ? Je n’avais alors sans doute pas assez vécu ma condition pour connaître l’importance d’une vie sociale, et j’ignorais même combien de temps il avait ainsi joué la comédie. Il s’est levé, et j’ai demandé : « Est-ce qu’il y en a d’autres ? » « D’autres ? » J’ai précisé : « des vampires ». Il a acquiescé, avant d’ajouter qu’ils s’entretuent pour leur sang, bien meilleur que celui des humains. J’ai dit que c’était stupide, il a ajouté que c’était naturel. Il m’a aussi conseillé de ne pas en rechercher. Je n’ai rien répondu, et il est allé sans un mot dans la salle de bain. Comme il n’y avait aucun bruit, j’ai pu entendre le clapotis de l’eau depuis la chambre, alors qu’il prenait sa douche. J’ai terminé mon café et j’ai posé la tasse sur la table. Il est ressorti peu de temps après, et a pris son sac, avant d’annoncer qu’il s’en allait enfin. Comme je n’avais pas l’heure, je lui ai demandé ; il a retiré sa montre et l’a accrochée à mon poignet valide, parce ma blessure m’empêchait de le faire moi-même. Je l’ai remercié, et il m’a semblé le voir hésiter, puis sortir quelque chose de sa poche. C’était une petite clef, qu’il m’a tendue ; je l’ai prise. « Ne fais rien de stupide » Il a aussi posé un peu d’argent, « pour acheter à manger », et s’en est allé. Quand la porte s’est refermée, j’ai eu un frisson.
J’ai mis la clef et les billets au fond de ma poche ; c’était clair, dans mon esprit, il me faudrait à présent vivre de nourriture humaine. J’ai ensuite fait quelques pas dans la pièce voisine, et j’ai mis mes chaussures pour ne pas me blesser plus. Au fond de moi, la culpabilité d’avoir ainsi démoli l’appartement m’ordonnait de nettoyer le chantier. Je me suis donc mise au travail, et, sans que je ne m’en rende réellement compte, je passai ainsi plusieurs heures à ramasser le verre brisé, éponger les flaques d’eau, et remettre à peu près en état tout ce que j’avais pu casser. Une fois ma tâche achevée, je suis retournée dans la chambre, et me suis assise sur le lit. Ma main brûlait sous les pansements blancs, d’un feu ardent qui ne voulait s’éteindre ; je grimaçais de douleur à chaque instant. Je ne sais plus bien ce que j’ai fait ensuite. Je pense m’être endormie, sans pouvoir lutter plus longtemps.

J’ai rouvert les yeux dans l’obscurité d’une nuit déjà bien annoncée. Les aiguilles de la montre indiquaient une heure du matin ; malgré ce repère, j’étais incapable de dire si j’avais dormi quelques heures ou quelques jours, mais peu m’importait alors. Je me suis levée, la tête lourde, la faim au ventre, la nausée à la gorge, pour scruter l’appartement désert. J’espérais en vain qu’il y soit revenu. Résignée, je suis allée dans la salle de bain pour me réveiller un peu. J’ai retiré mes vêtements puant la sueur et le sang, prenant soin de couvrir mon bandage d’un vieux sac plastique vide qui tenait lieu de poubelle dans la pièce, et je suis entrée dans la cabine de douche. Le contact de l’eau chaude me fit frissonner. Ma dernière douche me semblait bien loin. J’ai détaché mes cheveux sous l’eau, profitant de l’occasion pour les savonner également. En sortant, je me sentais déjà mieux. Il y avait une serviette légèrement humide accrochée près de la cabine. C’était certainement celle que mon professeur avait utilisée avant de partir. Faute de mieux, je l’ai prise pour me sécher. Comme je préférais ne pas remettre mes vêtements sales, j’ai fouillé, dans la chambre, le seul meuble qui avait échappé à ma précédente fureur. C’était une vieille commode, dont j’ai ouvert les tiroirs. Comme je l’espérais, ils contenaient des vêtements. Des vêtements d’homme, trop grands pour moi, mais cela m’était égal. J’ai enfilé un jeans trop large, un t-shirt trop long et un grand pull noir. Ces vêtements sombres portaient encore la trace du parfum de leur propriétaire. En humant cette odeur, j’ai ressenti le besoin de sa présence. Sans lui, j’étais perdue. Il me fallait pourtant attendre encore.
Une fois prête, j’ai longtemps hésité avant de ramasser les clefs et l’argent. Quelque chose m’effrayait dans l’idée de quitter cet endroit. Je me suis finalement décidée. Il était certes un peu tard pour faire des courses, mais la simple envie de découvrir les alentours, de savoir où se trouvait l’appartement, me dicta de sortir. J’ai pris mon sac, qui traînait dans un coin de la chambre, et me suis rendue devant la porte, et j’ai tourné la clef dans la serrure pour entendre le cliquetis de l’ouverture. Elle a claqué derrière moi, tandis que je découvrais la cage d’escalier. Un lieu étroit, dépourvu d’ascenseur : j’ai descendu les cinq étages à pied, pour arriver devant la sortie. J’ai donc regagné la rue ; un vent de fraîcheur m’a bercée au premier pas à l’extérieur. Il y avant longtemps que je n’avais vu la liberté de si près. Mes cheveux mouillés collaient mon visage, et j’avais froid, déjà, mais il n’était plus question de revenir en arrière.

La nuit était sombre et sans étoile. J’ai longtemps marché avant de m’habituer à ce nouveau quartier. J’ai trouvé, à une station de métro, un plan, grâce auquel je pouvais repérer approximativement ma position. J’étais donc à quelques stations du lycée. Le dernier train était déjà passé. J’ai marché dans la nuit jusqu’à ce que les aiguilles de ma montre pointent les six heures. Cela m’a permis de me familiariser avec les environs. Je me suis finalement engouffrée dans la bouche de métro. J’ai fraudé sans difficulté, puis j’ai avancé pour atteindre un quai quasi-désert : il n’y avait qu’un clochard endormi, en face. Il a fallu une bonne dizaine de minutes avant qu’un métro ne se décide à arriver. Le wagon m’a avalé, ainsi qu’une poignée d’autres gens, dont le visage n’exprimait qu’une vague lassitude, cernée par la fatigue du quotidien. Quelques stations plus loin, je suis descendue. A peine sortie du métro, j’ai trouvé une boulangerie. J’y ai acheté de quoi remplir un peu mon estomac hurlant, et me suis assise sur le premier banc venu pour avaler le contenu du sac en papier. Je ne m’étonnais même plus d’être en vie après un si long jeûne.
Il fut bientôt sept heures. La nuit persistait, le soleil hésitant ne voulant se montrer. L’hiver s’installait, j’avais froid.
J’ai bientôt atteint les alentours de mon lycée, sans m’en approcher trop : je ne voulais pas être vue. J’ai repéré de loin quelques silhouettes familières, élèves comme professeurs ; j’ai alors plus que jamais ressenti l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis ma fuite.
La foule s’est peu à peu dissipée, et j’eu beau guetter du mieux que mes yeux endormis me le permettaient, je ne parvenais à discerner la silhouette recherchée. Il ne restait que quelques personnes traînant dans cette rue presque vide. Je n’étais pas tout à fait à l’aise dans mes vêtements d’homme, mais leur grande taille avait l’avantage de me protéger presque totalement du froid. J’ai enfourné dans la poche du jean ma main gauche, mes yeux s’arrêtant sur le bandage sale de l’autre. Il avait bien besoin d’être changé. Je ne comprenais d’ailleurs toujours pas comment la plaie ne s’était pas infectée jusqu’ici. La chance, certainement, pensai-je alors, ignorant encore que celle-ci m’avait déjà complètement abandonnée.


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5 – Désillusion


Rien ne s’est passé durant une demi heure, et les longues minutes passées dans le froid me semblaient une éternité. Pourtant, je tenais bon, recroquevillée dans mes grands habits, m’accrochant à mon espoir, seule source de courage qui me restait à présent. Chaque silhouette que je voyais déambuler au loin faisait manquer à mon cœur un battement. J’espérais autant que je redoutais distinguer la forme de mon professeur, arrivant enfin. Depuis que j’étais devenue vampire, je ne faisais que l’attendre, en quête du peu de réconfort que son sourire forcé parvenait à me transmettre.
J’ai vite fait de me perdre dans mes pensées, les yeux rivés sur la grande porte du lycée. J’ai entendu m’appeler une voix, avant de tourner la tête et de sursauter à la vue de la personne qui se tenait en face de moi. Je ne l’avais pas vu venir. D’un coup d’œil, je reconnaissais cette femme : une autre professeur, qui avait suivi avec une attention presque malsaine les évènements suivant le décès de ma mère ; le genre de personne que je ne pouvais plus supporter. J’ai failli me lever pour partir, mais elle m’a retenue. Elle m’annonça d’une voix réjouie qu’elle était ravie de me revoir, depuis tout ce temps, et qu’elle regrettait depuis la rentrée de ne pas m’avoir croisée plus tôt. Je n’ai rien dit quant au fait que je n’allais plus en cours. Elle m’a demandé en quelle classe j’étais. J’ai choisi au hasard une classe de première ainsi qu’un professeur, pour qu’elle me laisse en paix. J’ai aussi inventé une famille unie depuis le décès, un soutien et une entraide entre chacun de ses membres pour tenir bon, et elle a semblé satisfaite. Elle n’irait pas vérifier, de toute façon.
Au bout d’un moment, j’en ai eu marre de la voir persistante ; elle ne semblait vraiment pas décidée à me laisser tranquille. J’ai dit que je devais retrouver un ami avant d’aller en cours. Avec un grand sourire, elle m’a souhaité de passer une bonne journée. Je suis partie directement, me sentant suivie du regard ; puis elle est enfin partie, et j’ai guetté de loin son entrée dans le bâtiment. Je me suis alors assise par terre, sur le trottoir froid, me sentant enfin soulagée. J’ai repensé un peu à ce qui venait de se passer. Mon mensonge résonnait en moi douloureusement : je me demandais à quoi pouvait bien ressembler cette famille que j’avais à peine inventée. Comme l’amertume grandissait, j’ai préféré ne plus y penser. La solitude avait pour moi un caractère sécurisant à cette époque.
Repliée sur moi-même au sol, j’ai senti mon oreille me brûler légèrement, là où j’avais les piercings, en même temps que mon appétit réveillait en moi une soudaine envie de sang. J’ai serré mon poing droit pour en réveiller la douleur. J’ai eu assez mal pour oublier quelques instants l’envie de sang. Elle est pourtant revenue, au bout de quelques minutes, cette faim meurtrière, ce besoin terrible ; j’ai recommencé, en vain. J’ai failli me mordre pour me calmer, mais je me suis rappelé des propos de mon professeur : il fallait à tout prix que j’évite de le faire. Finalement, je me suis relevée, et j’ai marché dans le coin, sans trop m’éloigner du lycée.
Pendant un moment, j’ai eu envie de retourner à l’appartement. Peut-être était-il rentré depuis mon départ ? Peut-être ne travaillait-il pas aujourd’hui ? Je commençais à douter, de lui comme de moi : étais-je seulement capable de lui parler, de lui dire ce que je voulais ? Je ne savais même pas ce que je voulais réellement… je souhaitais juste que cette situation change, ne plus passer mes journées à l’attendre, savoir ce qui allait m’arriver, ne plus vivre dans ce doute perpétuel.

J’ai attendu toute la journée. Je luttais, serrant mon poing, tentant d’échanger mon envie de sang contre cette douleur intense. Au final, je gardais les deux. Mon oreille me brûlait, parfois brutalement, et l’envie cessait soudain, avant de reprendre, plus forte encore. L’argent calmait cette faim, mais ne parvenait pas à l’annihiler. C’était toujours mieux que rien ; j’arrivais encore à me contrôler, et je retenais mon envie lors des mouvements d’élèves en masse. Je voyais ces groupes comme des tas de chaire humaine, d’énormes paquets de viande regorgeant de sang. Je devais parfois fermer les yeux pour me contenir.
Le soir, la rue quasi déserte, sous les derniers rayons du soleil, se teintait de lueurs orangées. Je m’apprêtais à partir, résignée. Je me levai pour m’en aller quand la porte s’est ouverte. Elle cracha deux silhouettes ; mon cœur s’est emballé quand j’ai distingué celle de mon professeur. Il sortait en même temps qu’une élève. Ils discutaient ; un goût amer a gagné le fond de ma gorge. J’avais le sentiment d’être trahie, de n’être en fait rien à ses yeux, rien de plus que cette fille avec qui il parlait, rien de plus que ces centaines de têtes qu’il côtoyait chaque jour. Ils se sont arrêtés un instant, puis chacun est parti d’un côté de la rue. Lui affichait un sourire triste, un sourire forcé, ce sourire qui me fendait alors le cœur. Il m’a vue de l’autre côté du trottoir. Je crois qu’il m’a reconnue. Pourtant, il n’est pas venu me voir. Son regard est passé sur moi comme si je n’étais pas là, et il est parti. Je voulais le rattraper, courir lui parler ; mes jambes n’étaient pas du même avis. Elles se sont plantées dans le sol, tremblantes, et, quand la silhouette s’effaçait au bout de la rue, je suis tombée par terre, à genoux. J’ai posé les mains au sol pour ne pas m’écrouler. Pour la première fois depuis longtemps, les larmes ont coulé de mes yeux, une rivière de larmes qui éclataient sur le sol, comme une petite pluie salée.


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   Posté le 01-01-2007 à 23:25:43   Voir le profil de Talentyre (Offline)   Répondre à ce message   http://mini-riri.skyrock.com   Envoyer un message privé à Talentyre   

6 – Réconciliation


Lorsque les sanglots qui m’agitaient se sont enfin éteints et que mes jambes voulurent bien se détacher du sol, une certaine rage m’avait envahi. La fatigue, la faim, ce sentiment amer de trahison, tout se mélangeait en moi. Je me suis relevée, doucement, amorçant chaque geste comme un pantin, et une fois debout, j’ai marché avec un léger vertige. La nuit avait alors recouvert le ciel de son manteau obscur. Je me suis arrêtée un instant pour contempler la demi-lune qui scintillait dans le ciel ; mon oreille me brûlait, et dans mes veines, mon sang bouillonnait, comme le soir où j’avais sombré dans la folie. J’ai longé de nombreuses rues désertes, m’orientant au hasard, suivant la faible lueur des lampions. Je laissais l’instinct guider mes pas, et il m’amena vers un square. J’ai longé ce petit jardin, et, un peu plus loin, suis passée devant un groupe de jeunes. Ils étaient trois, trois garçons d’une vingtaine d’année. L’un d’eux m’a appelé, plusieurs fois, et comme je ne répondais pas, il m’a rattrapé. J’ai senti sa main se refermer sur mon bras, tandis qu’il rageait. « Tu réponds quand je te parles ? » hurla-t-il. J’ai alors remarqué qu’il puait l’alcool et le tabac, et qu’il tenait dans sa deuxième main une bouteille presque vide.
J’ai essayé de me défaire de son emprise, en vain ; il tira sur mon bras de plus belle. Je lui ai conseillé, d’une voix glaciale, de me lâcher rapidement. Il s’est mit à rire, et mon sang a bouillonné de plus belle. Sans ajouter mot, et avec une force semblable au soir de ma première folie, j’ai saisi son bras et ai tiré violemment dessus. Il m’a semblé entendre un craquement, tandis qu’il tombait à terre avec des hurlements stridents. Ses deux amis ont accouru, le regard mêlant inquiétude et haine. Le premier s’est précipité sur moi, tandis que l’autre s’occupait du blessé. J’ai saisi dans ma main le poing qu’il m’envoyait, et, d’une simple pression, en ai brisé tous les os. Son cri a pourfendu la nuit. D’un coup de pied, j’ai brisé ses deux jambes, puis il est tombé. Affolé, le troisième a éclaté par terre le fond d’une bouteille de bière qu’il transportait, et la tendait dans ma direction en guise d’arme. Je crois que je ne contrôlais plus tout à fait mon corps, à cet instant. J’ai le souvenir de m’être baissée pour éviter le verre brisé, avant de me jeter sur lui pour le renverser au sol. J’ai fracturé ses deux bras, et il est resté par terre, les larmes perlant aux coins des yeux.
Je me suis presque allongée sur lui pour approcher mes canines saillantes de son cou. Les premières gouttes ont perlé, et j’ai bu sans relâche tout le sang de son corps. Au fur et à mesure, ses cris devenaient des gémissements sourds, son souffle faiblissait, et il finit par s’évanouir. Il n’a pas tardé à mourir. Lorsque j’ai entamé ma seconde victime, une image s’est installée dans mon esprit. C’était celle du premier soir, de cette première fois où je buvais du sang. Plus le liquide coulait, plus je pensais à cela, et je me suis peu à peu rappelée les paroles de mon professeur. Il m’avait avoué, le cœur lourd, avoir été incapable de m’achever. En abandonnant à la nuit les trois corps inertes, je m’amusais presque à penser que j’avais, pour ma part, été incapable de laisser mes proies en vie.

Rassasiée et en pleine forme, j’ai repris ma marche dans les rues silencieuses. La haine, le dégoût, la peur… tous ces sentiments avaient laissé place à un profond bien être. Je commençais à considérer ma position comme presque avantageuse. A quoi bon, finalement, se forcer à vivre « normalement », alors que je pouvais trouver mon bonheur au prix de quelques vies par semaines ? Ma conscience avait déjà supporté bien plus lourd, et les cris d’horreur avaient déjà quitté mon esprit. Oui, c’était autre chose qui occupait alors ma pensée. Je sentais le besoin d’aller parler avec cet homme… cet ancien professeur. Quelque chose au fond de moi forçait mon inconscient à revenir sur mes précédentes pensées. Que pouvais-je bien lui reprocher, finalement, que de n’être pas l’unique objet de ses attentions ? Il était compréhensible qu’il veuille se distraire… Je voulais alors lui proposer de changer. Quitter la société et vivre dans la nuit, se nourrir de vies humaines, et se contenter de cet unique bonheur. N’était-ce pas le meilleur avenir envisageable ? Chaque me confortait dans cette idée, et je me ne rendis compte que plus tard que j’étais arrivée à la rue de l’appartement. Rien ne me garantissait qu’il y serait, pourtant, je voulais y aller. Je suis donc entrée dans l’immeuble, j’ai monté plusieurs étages avant de reconnaître la porte, que j’ai ouverte. Le silence régnait dans le petit couloir. J’ai avancé jusqu’à la cuisine, sans allumer la lumière. Après avoir vérifié toutes les pièces, j’étais assurée qu’il n’y avait personne. Légèrement déçue, je n’ai pas tardé à repartir. Où aller à présent ? Mon cœur s’emballait d’impatience, et je remuais intérieurement mon idée de nouvelle vie, tant pressée qu’anxieuse de l’exposer.
Je suis restée un long moment à réfléchir à ce que je devais alors faire. Attendre dans l’appartement, ou bien partir à sa recherche ; mais alors, où aller ? Je ne désirais pas renouveler une telle journée, et l’empressement m’empêchait d’ailleurs d’attendre une seule nuit de plus. C’est alors que je l’ai vu. J’ai tout de suite reconnu sa silhouette sous la pâle lueur d’un vieux lampadaire. Le cœur battant à tout rompre, j’ai fait quelques pas vers lui. Je n’ai même pas réussi à formuler un « bonsoir » ; peut importait, de toute façon. Il m’a demandé si j’allais bien. J’ai simplement hoché la tête. Ma gorge serrée semblait vouloir m’empêcher de parler. J’ai pourtant réussi à articuler : « Je vous cherchais… je veux vous parler. » Il m’a proposé de monter à l’appartement, mais je préférais rester ici, je ne voulais pas me couper en plein élan, parce que je sentais bien les mots se bousculer aux portes de mes lèvres.
« Je suis content de t’avoir trouvé » a-t-il dit avant que je n’aie pu commencer. Je n’ai pas vraiment compris pourquoi il m’avait annoncé cela. Un sourire se dessina sur son visage, et pour une fois depuis bien longtemps, je n’y ai pas lu de tristesse : c’était un sourire sincère, presque heureux. Quelque chose a pris forme en moi : c’était comme si j’étais devenue plus forte, comme s’il m’avait offert une énergie nouvelle. Ce qu’il m’envoyait alors, ce n’était rien d’autre que de l’espoir. Il a alors ajouté : « Je t’écoute, de quoi veux-tu me parler ? ».
J’avais alors tant à dire, pourtant je n’osais rien prononcer. Je lui ai finalement demandé pourquoi il me fuyait, pourquoi il m’évitait tant. Il m’a avoué se sentir coupable.
« De quoi ? » ai-je presque murmuré. Même s’il n’a pas répondu, je comprenais bien qu’il s’agissait de ma transformation. « Il ne faut pas », ai-je ajouté. Je lui ai dit qu’il m’avait sans doute sauvé d’un destin plus cruel encore que celui qui m’attendait. Et comme il ne semblait pas convaincu, je lui ai avoué : « Je pensais mourir. ». Il n’a d’abord pas compris, alors je lui ai expliqué. C’était vrai : ce fameux soir où je m’enfuyais de chez moi, ce soir où tout a commencé, je prévoyais que tout s’achève.
La surprise s’est installée dans son regard. Le silence a bien vite trouvé sa place entre nous deux. Nous sommes restés ainsi un moment. Puis j’ai dit, tant pour briser le silence que parce que mon cœur me dictait de l’annoncer : « j’ai tué trois personnes ». J’avais prononcé cette phrase d’un air si détaché que n’importe qui aurait cru à une mauvaise farce ; mais cet homme qui se trouvait devant moi n’était pas n’importe qui. Il a fait un pas vers moi, a posé sa main sur mon épaule, et, les yeux emplis de remord, il a dit tout bas : « mea culpa… Mea maxima culpa. ». J’ignorais pourquoi il l’a dit en latin, mais, et c’est peut-être pour cette raison, cette phrase est restée gravée dans mon esprit : « c’est ma faute, c’est ma très grande faute ».
« C’est trop tard pour s’excuser, ai-je répondu doucement, il vaut mieux tourner la page. » Il m’a souri. Il a passé un bras autour de mes épaules et nous avons marché un peu dans la nuit. Je me suis surprise à repenser avec amertume à mon père ; jamais je n’avais su me sentir si bien avec lui. Alors je me suis dit que mon professeur était un peu comme un père, et cela me semblait assez naturel, puisque le premier soir, c’était comme s’il m’avait donné la vie.


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