Sujet :

Premier quartier

Nae
   Posté le 10-02-2008 à 01:27:15   

Un passage lumineux s’ouvrit dans un coin relativement sombre, et laissa apparaître une jeune femme aux longs cheveux blonds, presque blancs, vêtue d’une tenue sombre qui mettrait largement en avant ses atouts féminins, si tant est qu’elle ne fut complétée par une cape rouge dissimulant intégralement cette sensuelle silhouette. A peine avait-elle fait un pas une fois la gate refermée qu’elle tomba à genoux, et que son estomac tourmenté se fit un devoir de rendre son dû aux pavés indifférents de Traverse. Plus si sensuelle que ça la silhouette…

C’était donc cela, un voyage au travers d’une gate ? Cette impression qu’il n’y a ni haut ni bas, dans un tunnel dont on ne voit pas le bout et imagine qu’il n’arrivera jamais ? Se sentir tiraillé en tout sens, au point de se déformer, et n’être qu’une masse vivante qui n’aspire plus qu’à une seule chose : sortir de cet enfer… On voit l’enfer comme un endroit où règne la chaleur, il n’en était rien dans ce couloir infernal ; Bien au contraire, c’est le froid, un froid glacial qui transperça jusqu’à la moelle des os de la succube, et s’insinua au plus profond de ses cellules, ne laissant aucun territoire inexploré, aucune région vierge de sa cruelle morsure. Naelith avait la sensation que ce corps qui lui appartenait n’était plus qu’un bloc de glace qui refusait d’effectuer le moindre mouvement, quand bien même elle y mettrait toute sa volonté. Pourtant, si l’on croit que la glace est une matière inerte et insensible, au contraire, la Nae transie de froid n’en ressentait que bien plus tout ce qui l’entourait, dans une douleur fugace mais d’une intensité rare, avant que l’oubli ne vint la prendre, et que son corps anesthésié ne ressente plus aucune sensation.
Dire qu’il faudrait repasser par ça pour rentre sur le Luastria… rien que d’y penser, elle pouvait sentir son estomac protester à nouveau. Mais que faire conte cela ? Il fallait bien se résoudre à supporter ce désagréable moment, car cela ferait partie de son quotidien. Si elle ne pouvait endurer un simple passage de gate, autant quitter de suite les Sans-Destin… et ce n’était pas ce qu’elle voulait. Restait juste à espérer que cela s’atténuerait avec le temps…
Bientôt, Naelith ne se ressentit curieusement plus cette sensation si désagréable de ne plus rien percevoir sur sa peau délicate : son sang de succube peut-être ? Quand on parlait de sang chaud, ce n’était peut-être pas une image après tout… Et effectivement, elle put se relever dans un délai relativement court, comme s’il ne s’était rien passé. Mais si l’ensemble de son corps semblait ne plus souffrir de ce premier passage de gate éprouvant, son estomac lui, continuait à hurler son désaccord, et à la torturer.
Fort heureusement, personne n’avait été témoin de cette arrivée si peu glorieuse, et la démone n’eut à subir ni la pitié ni le dégoût d’un quelconque passant. La succube a sa fierté tout de même, et elle n’aurait pas apprécié qu’un quidam la voit dans cette situation. C’est une des raisons pour lesquelles Naelith quitta enfin la ruelle et s’aventura enfin sur le sol en pierres taillées du premier quartier de Traverse.

Alors, la voilà, cette ville de Traverse dont le nom semblait si évocateur aux oreilles de la succube... Ce n’était pourtant pas vraiment ce à quoi elle s’attendait…
Loin d’être une ville morne et triste, Traverse était animée, les néons déversant leurs chatoyantes couleurs sur les innombrables passants, les marchands hélant parfois cette foule hétéroclite en vantant leurs produits. Une ville marchande ordinaire, si ce n’était cette nuit perpétuelle – inutile de demander comment Nae le savait – et ses étoiles éternelles parcourant le dais du ciel d’un noir d’encre. Mais l’impression qu’y ressentait la démone était loin d’être aussi rassurante que ce cadre idéal qu’elle avait sous les yeux. D’abord, Naelith avait attribué ce malaise à cette nuit étoilée, car la nuit était intimement associée dans son esprit avec ce moment si redouté, l’éveil de la succube qui partait alors en "chasse"… De ces actes inconscients, elle ne se rappelait pas, mais elle savait très bien ce qu’elle faisait ces nuits-là... Mais non, ce n’était pas ça, Nae se sentait oppressée, comme si cet endroit était porteur de mauvais souvenirs, comme s’il avait été le théâtre d’évènements très importants, dont les conséquences s’étaient révélées catastrophiques…
Peu importe quels étaient ces évènements, s’ils avaient eu lieu – il était fort probable qu’elle ne le sache jamais – cela suffisait à la rendre encore plus nerveuse qu’elle ne l’était déjà, et c’est donc une Naelith se faisant la plus discrète possible qui, prenant son courage à deux mains, se mêla à la foule et déambula dans les rues de Traverse. Cette sensation était peut-être étrange et très désagréable, elle le serait toujours moins que le déchirement qu’elle ressentirait certainement en croisant Saveria…
Pourquoi Naelith était-elle venue là ? Parce que c’était la seule gate qui permettait de quitter librement le Luastria. Et pourquoi quitter le Luastria ? Afin de ne pas recroiser une certaine personne… Oui, sa rencontre avec son ancienne meilleure amie, Saveria, avait marqué la succube au point qu’elle avait besoin de fuir cet endroit, où elle était certaine de la croiser à un moment ou à un autre. Le Luastria avait beau être grand, ce sentiment, ce désir de fuite, ne quittaient pas la démone, qui savait très bien que c’était totalement puéril, mais ne pouvait s’en empêcher. Dans la vie, on ne commande pas ses émotions, et son cœur lui dictait de ne pas rester là où Saveria pouvait se trouver. Revoir ces yeux turquoise braquer leur funeste regard sur elle était au-dessus des forces de Naelith…
Vangie
   Posté le 10-02-2008 à 16:35:28   

Rouge et noir, c'est tout ce qu'il lui semblait voir.

Apparue, sans raison, lui coupant le passage, elle contrastait trop avec le décor pour qu'il ne la voie pas. Tremblotante, entêtée, fuyante, paniquée ? Tu sens le feu et le sang, Fleur de pavé. Difficile de détonner autant parmi les badauds ahuris qui pullulaient dans le quartier.

Un vêtement carmin qui n'exhale pas la pureté, sortant un peu le démon de sa torpeur. Une odeur comme un souvenir, enfouie avec son ancienne vie. Impossible à effacer.

Le Vice commençait à cesser de l'alimenter, et ce n'était qu'une question d'heures avant que son corps ne se mette à lui rappeler de quel insatiable parasite il était l'hôte, mais pour l'instant ses regards s'accrochaient à l'ombre de la "créature"qu'il semblait être le seul à avoir remarqué.

Coupant nette son avancée, il prit une des ruelles perpendiculaires pour prendre de la hauteur.

Rampant sur les toits, à peine quelques mètres au-dessus d'elle, il espérait devancer sa marche pour voir à "quoi" il avait affaire. Sans succès, drapée dans son étoffe comme drapée dans sa vertu, elle semblait impénétrable, ne laissant dépasser de sa cape qu'un éclat d'une froideur reconnaissable, en tout cas pour quelqu'un qui avait commencé à s'habituer à la technologie du Lustria.

La proie s'avérait de plus en plus précieuse, un diamant pris dans un écrin sanguinolent.

Un jeu,un jouet.

Il réapparut au milieu de la foule, à quelques mètres devant elle. L'impression de n'être que tous les deux dans cette rue bondée, il avait l'impression de sentir son souffle contre son visage malgré les mètres les séparant, ce souffle qu'il avait envie de couper. Juste envie.

Il se retourna pour voir si de là elle l'apercevrait, se rendrait compte de sa présence, si elle paniquerait, s'enfuirait, ne ferait rien, comprendrait-elle ?
Juste histoire de rendre le jeu plus intéressant. Juste histoire de voir son visage, pour après le déformer peut-être. Ou juste une hallucination, une image de ce qui le possédait, auquel il allait s'abandonner. Juste envie...

*Regardes-moi...*
Nae
   Posté le 19-02-2008 à 01:42:10   

Les rues de Traverse étaient noires de monde, grouillantes et bruyantes, mais Naelith ne faisait absolument pas attention à ce qui l’entourait, et continuait à marcher droit devant elle. Où allait-elle ? Elle n’en avait aucune idée, et pour tout dire, s’en fichait bien tant cela avait peu d’importance. Nae se noyait dans la masse, silhouette passant inaperçue au milieu des autres, il n’y avait que cela qui comptait. Un comportement qui ne lui ressemblait guère…

En effet, sur son monde, c’était bien la dernière chose que la démone aurait fait. Se conduire comme ces moutons, suivre le mouvement sans se poser de questions, respecter l’ordre établi non parce qu’on le voulait, mais bien parce qu’on ne savait pas faire autre chose. Tout simplement parce que leur esprit étriqué ne pouvait penser le concept de liberté. La liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres dit-on parfois… mais comme la liberté des "grands" est infinie dans un monde aussi archaïque que Servalhean, celle de la populace se retrouve réduite à néant… Et rien n’était fait pour remédier à cela. Il était si facile d’abandonner, se laisser guider par les règles, marcher au pas de l’oie, machinalement, sans avoir seulement l’ombre d’un soupçon d’une envie de penser autre chose que ce que pense la multitude, ou ce que l’on fait penser à la multitude. Après tout, la raison du plus fort est toujours la meilleure, ou dans ce cas, la raison du nombre. Que peut faire une personne isolée dont l’esprit est empli de critiques à l’égard de la société, si ce n’est les exprimer et se voir réprimée, quand par miracle on l’écoute ? L’égalité, la liberté, quels beaux concepts utopiques. Quoi que, l’égalité devenait une réalité lorsque tout le monde devenait un pantin sans âme…
C’est ainsi que la démone considérait ces personnes qui défilaient devant elle, bien qu’elle ne les connaisse pas. Et qu’elle ne voulait pas connaître, à cause d’un stéréotype bien ancré dans son esprit, alimenté par la rancœur qu’elle tenait encore à l’égard de ceux qui l’avait conduite au bûcher… Il était plus aisé de les confiner dans ce stéréotype plutôt que d’aller chercher à comprendre les motivations de chacun…
Elle-même n’avait jamais été comme "eux", ne bridant pas ses pensées et ses sentiments dans le seul but de ne pas se faire remarquer. Au contraire, et Naelith se plaisait même parfois à souligner leur lâcheté, en n’hésitant pas à critiquer ouvertement cet état de fait, s’attirant des regards plus que réprobateurs. Et ça en restait là, parce que personne n’écoutait vraiment ce qu’elle avait à dire, tant ils se complaisaient dans cette situation….
Autant ne plus parler de ces moments exaspérants pour la succube, ou plutôt laisser pour un autre moment plus opportun la description de son pseudo-combat contre l’immobilisme paysan de son monde, et continuons sur le cas présent.

Et donc, pourtant, paradoxalement, à cet instant précis, Naelith souhaitait se comporter comme ces humains, ces moutons bêlants suivant le troupeau avec nul autre but que de rester pour toujours insignifiant. Peut-être était-ce ainsi qu’on pouvait se sentir "normal", quand on a pas à penser, et qu’on se contente simplement de vivre, ou survivre, dans cette routine, dans ce quotidien qui n’a guère de sens… Cela expliquerait leur obstination à ne rien changer, à conserver ce mode de vie. Alors, pourquoi ne pas essayer elle aussi ? Si c’était si simple que cela… Aussi, Nae se mêla-t-elle au flot de personnes arpentant le quartier et ses échoppes. Si elle faisait comme eux, alors peut-être pourrait-elle oublier ses soucis, ne serait-ce que l’espace d’un instant… Laissons donc l’esprit se libérer, en suivant le mouvement, sans réfléchir, sans penser à quoi que ce soit, simplement en observant l’endroit, un peu comme le faisaient ces quidams. Rien qu’un moment, histoire de voir ce que cela faisait…


Mais même au milieu de gens, essayant tant bien que mal de se fondre parmi eux, de ne penser à rien d’autre qu’à marcher, et observer les alentours, le malaise était toujours là. Le fait de ne pas être à sa place, comme si la "normalité" à laquelle Nae aspirait s’arrêtait à la cape dans laquelle elle était drapée, glissant sur elle sans parvenir à pénétrer ce rempart de tissu écarlate. Elle avait même l’impression d’être observée, telle un objet, une chose qui n’aurait rien d’humain que l’apparence…
Au bout d’un certain temps de cette marche sans but, Naelith ne put en supporter d’avantage, supporter cette pression sur ses épaules dont elle ne savait si elle était réelle, ou si c’était seulement son imagination qui lui jouait des tours, car elle ne pensait s’être trahie en rien depuis son arrivée à Traverse. Décidément, rien n’allait comme elle l’aurait voulu… Quelle idiote elle avait été ! De croire que se comporter en tant qu’humaine, du moins tels qu’étaient les humains sur son monde ne la soulagerait en aucun cas. Etre comme eux ne la rendrait pas plus humaine. Naelith avait beau essayer, s’était crue humaine plus que démone, force lui était de constater que ça ne suffirait pas. Non, décidément non, elle ne pourrait se cacher, où qu’elle soit, il y aurait toujours quelque chose pour la faire redescendre sur terre, et dévoiler sa différence aux yeux de tous… Il suffisait d’un seul regard, comme le lui avait si amicalement démontré Saveria, pour faire s’effondrer cette carapace dans laquelle elle tentait tant bien que mal de se dissimuler… Et ce regard était peut-être déjà à l’œuvre, en train de la percer à jour, créant cette sensation d’oppression insoutenable…


Bonne, ou mauvaise idée ? La succube tourmentée avait décidé de quitter la lumière artificielle des rues de Traverse, où elle ne se sentait pas à sa place, pour emprunter la première artère latérale, sombre et glaciale, loin de tout mouvement, de toute présence. La foule ne lui seyait plus, peut-être la solitude se révèlerait-elle une meilleure compagne…

La ruelle déboucha sur un endroit qui étonna de prime abord la succube, car loin de l’idée qu’elle se faisait de ce passage. Au lieu de trouver un cul-de-sac rempli de vieux papiers, de détritus, et autres cadavres de bouteilles, il y avait bien quelques vieilles caisses de bois, mais le tout était relativement bien éclairé, par les fenêtres aux couleurs vives de l’établissement courant face au mur de pierre grise. A en juger par la disposition et les fenêtres, et ces jolis rideaux, c’était sans doute un hôtel, et de qualité. Par contre, la vue n’était pas vraiment de toute beauté : au pied de l’hôtel, deux bassins rectangulaires remplis d’une eau noirâtre, reflétaient la lueur des étoiles éclatantes, bassins dont l’un des côtés longeait l’immense et aveugle mur de pierre. De même, la grille éventrée qui constituait la limite du plus grand des deux bassins n’avait absolument rien d’engageant. Un coin loin d’être plaisant, mais sans être sordide, un lieu hésitant entre deux visages, qui convenait à l’état d’esprit de Naelith…

Se croyant seule, la succube ralentit son pas, et inspira une grande bouffée d’air, afin de calmer son cœur emballé, à la fois par la course et par ses pensées. Relâchant les pans de sa cape, qu’elle tenait au plus serré contre son corps au milieu de la foule, comme pour s’en préserver, cette dernière fini par glisser à terre lorsque, comme hypnotisée par l’élément liquide chatoyant sous le dais constellé de la nuit, Naelith s’approcha doucement de l’eau, pour plonger son regard dans cette étendue aux miroitements glacés.
Quel était donc ce reflet dans l’eau ? Oui, c’était bien elle, la jeune Naelith, jeune fille telle que tout le monde la voyait. Ou telle qu’elle voulait se montrer. N’était-ce pas une simple image, comme celle que renvoyait cette masse d’eau noire et limpide, que pas même le souffle d’un brise ne venait perturber ? Une jeune fille qui paraissait comme les autres, mais qui était loin, très loin de l’être… Pas une fille, pas une femme, mais bel et bien une démone. Pourrait-elle encore longtemps cacher cette nature viciée, qui la rattrapait toujours malgré ses efforts ? Même ainsi, même si elle avait été élevée comme une humaine, il avait suffit d’une seule fois pour que sa vie bascule, et que tout soit remis en cause. Si ses valeurs étaient humaines, si elle se sentait humaine, elle ne l’était et ne le serait jamais…

D’un revers de main rageur, la jeune fille aux yeux rouges perturba le miroir renvoyant sa détresse. Un geste qu’elle savait bien vain et qui n’était donc que purement symbolique…
Vangie
   Posté le 19-02-2008 à 02:16:34   

Fleur de Pavé ne croupie pas dans son eau ?

Suspendue au toit de l'hôtel, le nihiliste se laissait pendre en pantin macabre. Durant une seconde d'éternité, il avait émit un sourire devant la colère de la fragile chose qu'il s'apprêtait à cueillir.

On aurait dit qu'elle cherchait à l'imiter. A imiter ce qu'il avait été.

Sans-destin mais pas sans intérêt.

Sous la lune obèse, la brise faisait s'agiter le pendu perdu dans ses contemplations. Vangelius s'offrit au vide, et se posa à quelques mètres de la jeune femme. Elle l'avait bien amusée, mais nulle compagnie ne se quitte, surtout pour un monde meilleur. Voyons si elle est toujours amusante avec un membre à chaque coin de rue...

A pas funestes et silencieux, il se rapprocha de la forme crispée, centimètre par centimètre, jusqu'à approcher son rictus inimitable de l'oreille de sa proie, lâchant dans l'air son terrible mot...

"Bouh !"


Edité le 19-02-2008 à 02:22:32 par Vangie


Nae
   Posté le 21-02-2008 à 02:09:09   

Lorsqu’on est ainsi perdue dans ses pensées, le monde extérieur semble ne plus exister, seule est réelle la cage dans laquelle on s’emprisonne soi-même, que ce soit à dessein ou pas. Une prison d’autant plus difficile à briser qu’elle n’a aucune limite, puisque l’esprit en lui-même n’en a aucune pour trouver et s’infliger les pires tortures…
Mais il est des choses qui peuvent faire sortir un instant de cette torpeur, de cette douleur masochiste dans laquelle certains se complaisent, ne cherchant aucunement à en sortir, et contre laquelle les autres luttent de toutes leurs forces pour s’en dépêtrer. Une intervention extérieure est une de ces choses, et Naelith, bien évidemment surprise, laissa échapper un cri, tout en se retournant vers son "agresseur", cri qu’elle regretta aussitôt, puisque laissant présager qu’elle avait eu peur. Or, la demoiselle ne voulait toujours montrer aucune faiblesse à qui que ce soit, même aux étrangers, particulièrement aux étrangers, voilà pourquoi elle s’était réfugiée ici.
Le cœur battant la chamade, elle ramassa sa cape qu’elle remit d’un geste sur ses épaules, et d’un ton rageur, lança à l’homme qui venait - heureusement ou malheureusement - de perturber ce moment de solitude.

"Vous êtes malade ! Ca vous prend souvent de surprendre les inconnus comme ça ?"

Ses yeux rubis au bord des larmes l’instant d’avant ne reflétaient plus que sa colère, le sentiment qu’elle adoptait toujours lorsqu’elle se sentait contrariée dans quoi que ce soit, comme une sorte de réflexe. Un réflexe qui n’aidait absolument pas à se faire apprécier, puisque le premier contact était ainsi souvent très mauvais, comme avec Loric dans le bureau d’Amrael… mais qui faisait partie intégrante de la vie de la succube. Oh, elle avait de nombreuses fois essayé de refreiner ses sentiments, mais force lui était de constater qu’il lui était quasiment impossible de ne pas démarrer au quart de tour. L’impulsivité est quelque chose qui a la vie dure…
Ainsi donc, Nae fixait de ses yeux rouges plissés le nouvel arrivant indélicat. Ce qui la frappa de suite, furent ses yeux, d’une couleur assez identique à la sienne. Quoi, lui aussi ! Cet homme possédait deux prunelles d’un rouge sanguin, tout comme Naelith, Amrael et Lovie. La démone, qui n’avait jusqu’à présent rencontré personne ayant cette caractéristique physique, en voyait trois en si peu de temps… Ahah, quelle ironie de voir qu’elle qui se croyait si unique ne l’est en réalité que si peu…
Homme… était-ce réellement un homme ? Amrael était un ange, ce qui expliquait sa particularité oculaire, mais Lovie était une humaine apparemment… Celui qui venait d’apparaître devant ses yeux avait-il une particularité ? Parce qu’à le voir, à observer ses yeux rouges et ses cheveux blancs se détachant sous la lumière de la lune et des étoiles, Naelith n’avait pas l’impression qu’il appartienne à la race humaine… Il y avait quelque chose… elle ne saurait dire quoi, mais bel et bien autre chose…
Sans se départir de sa juste colère, mais avec maintenant des questions en tête, devant cet individu à l’accoutrement si banal, voire même un peu passé, élimé, comme signe d’une déchéance toute nouvelle, Nae n’attendit pas la réponse à sa première tirade, et demanda, avec un ton plus bas mais pas moins suspicieux et agressif :

"Qui êtes-vous, et que me voulez-vous ?"
Vangie
   Posté le 24-02-2008 à 00:26:57   

La réaction de la proie acculée... Tellement prévisible. Pour l'instant elle suivait les règles du jeu, et lui aussi se devait de rentrer dans la mascarade. Singer l'homme.

"Qui êtes-vous, et que me voulez-vous ?"

Il se crispa en un sourire, et joua nonchalamment à épousseter ses manches avec un naturel déconcertant.

Pantin, pantin, qui tire tes ficelles ?

"Personne et rien, dans l'ordre... Je ne pensais pas que quelqu'un d'autre que moi venait ici pour regarder le... ciel."

Acte I scène 2.

"C'est tout. Excusez mon naturel..."

Souris au public.

"Joueur."

Bouge les bras, plus expressif le visage.

"On a tous une raison d'être à Traverse."

Parfait.
Nae
   Posté le 24-02-2008 à 03:51:42   

Exaspérant, c'est la première chose qui vint à l'esprit de la succube. Si son apparence extérieure aurait peut-être, et de curieuse façon, donné envie à Naelith de le connaître, ce type était exaspérant, avec son attitude si désinvolte, et son air de se… de se foutre ouvertement de sa gueule. Elle avait donc l’air si risible et pitoyable ? Ha ha ha… oui, sans doute.
Un instant, Nae baissa les yeux, abîmant son regard de braise dans les dalles recouvrant le sol de Traverse, aussi sombre que ses pensées intimes. Regarder le ciel ? Plutôt le contraire, cet endroit ne donnait absolument pas envie à la jeune fille de lever les yeux vers cette immensité porteuse d’espoir et de rêves, mais de se cacher, ou de s’enfoncer au plus profond de la terre, dans ce lieu de perdition commun à de nombreuses mythologies et que l’on nomme l’Enfer. Là où elle avait peut-être sa vraie place… N’était-ce pas ça, sa raison d’être venue à Traverse ? Plutôt que cette envie de changer d’air, et d’éviter de retrouver nez-à-nez avec Saveria, n’y cherchait-elle pas juste qui elle était, et où était sa place ? Place évidente lorsqu’on savait ce qu’elle était…

La jeune démone releva bientôt la tête. Sursaut d’orgueil, ou lueur d’espoir ? Son visage exprimait non plus cette lassitude, ce découragement qui semblait l’avoir gagnée, mais la colère, cette colère qui était plus dirigée contre elle-même que contre les personnes qui avaient eu le malheur de croire son chemin depuis qu’elle était montée à bord du Luastria. Bon sang, pourquoi se laissait-elle abattre de la sorte ? Elle s’était battue toute sa vie contre les préjugés, et elle laissait un de ces préjugés dicter sa conduite. Mais quelle idiote elle était ! Tout ça, parce que l’ambiance de cette rue, les rencontres qu’elle avait faites sur le Luastria, de toute cela, elle ne retirait rien de positif. Ou plutôt, elle oubliait le positif, pour ne se concentrer que sur le négatif. Amrael par exemple, c’était montré très compréhensif avec elle, et très gentil… et Lovie, qui aurait pu la planter là… Naelith était une démone, appartenait-elle de ce fait aux démons ? Ne pouvait-elle choisir la vie qu’elle voulait ? Si seulement elle parvenait à contrôler ces maudites pulsions, la question ne se poserait même pas…
Cependant, bien quelle soit la cible de cette ire, c’est irrémédiablement son vis-à-vis qui en faisait les frais, réceptacle involontaire de cette douleur qui la consumait, des tourments que son âme endurait. Cela serait d’autant plus aisé que cet homme face à elle ne lui était absolument pas sympathique, et se moquait d’elle avec un comportement que Naelith qualifiait de grotesque, et fort peu naturel. Et bien entendu, elle ne put résister à exprimer cette colère par des mots, qui ne tardèrent pas à fuser, secs et virulents.

"Vous savez où vous pouvez vous le mettre votre naturel joueur ? Foutez-moi la paix, c’est tout ce que je veux."

Et la jeune femme de se retourner vers le bassin, offrant ainsi son dos comme seul interlocuteur à cet indélicat personnage. Pour elle, la conversation, s’il y avait lieu de parler de conversation tant l’échange avait été bref et dépourvu d’intérêt, était terminée. Un nouveau coup d’œil dans l’eau, et il n’y avait à nouveau plus qu’elle et son tiraillement, elle et ses deux facettes si intimement liées… Et en suivant le courant ondulant à présent sous la légère brise qui s’était levée, c’est la grille rouillée à moitié déchiquetée qui attira l’attention de la succube, dont les mèches blondes encadrant son visage flottaient des les airs, lui conférant un aspect fantomatique que démentait seulement la couleur écarlate de sa cape. Une simple et lugubre grille ou une métaphorique porte de sortie ?