Magical Story
 
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Talentyre
9 – Ce qui nous pousse


De la boue, de la neige et du verglas, c’était le paysage local qui s’étendait à des kilomètres à la ronde, au dessus même des champs de barbelés. Il arrivait parfois qu’une mine éclate, soulevant encore de cette vase glacée, cette neige beigeâtre, dans son souffle ravageur, et elle se teintait du sang de ses nouvelles victimes. Dans les longs couloirs de terre, de ces soldats qui s’entassaient, il n’y en avait pas un dont les mains ne souffraient de gelures, d’entailles au bout des doigts, de peau craquelée, sous des gants rapiécés, et ils en serraient leurs armes, seules amies de confiance dans ce monde de guerre.
- Alphonse… Alphonse, viens manger quelque chose.
C’était Lukas, ce jeune soldat que les frères Elric avaient rassuré lorsqu’il avait rejoint leur unité. Il avait pris de l’assurance et dix ans d’âge d’un seul et même coup, avec ses joues creusées, ses cernes, sa barbe de deux semaines, noire et drue, et ses cheveux sales. Et comme Alphonse s’était occupé de lui plus tôt, il s’inquiétait en retour de son état, de son attitude grave depuis que son frère était dans le coma.
Mais Alphonse ne semblait pas se soucier de cette attention. Il avait démonté son fusil et en trafiquait le canon, il améliorait son arme comme un enfant joue au lego ; c’était ce qu’il avait vu à travers la Porte, des connaissances et du savoir, et tout était imprégné en lui, il n’avait qu’à se concentrer sur son travail et alors il savait quoi faire.
- Faut que tu manges un peu, tu vas finir par t’écrouler.
- J’te donne ma part.
Lukas n’eut pas le temps de protester que des cris résonnèrent, ainsi que de premiers coups de feu : on lançait une alerte. Alphonse remit en place la dernière place de son fusil et se releva. Il se plaça à un poste de tir ; au niveau du sol, partiellement protégé par des sacs de sable, autant que par la brume épaisse dans l’air ; lui distinguait sans trop de mal les silhouettes ennemies qui approchaient. Il cibla un groupe, tira ; lorsque la balle partit, le fusil cogna contre son épaule, l’impact du recul le repoussa en arrière si fort qu’il failli tomber à la renverse, ses pieds creusant la neige, et bientôt le groupe d’assaillant vola en éclats, comme si chacun d’entre eux avait marché sur une mine. Il tira encore une, deux, puis trois balles, atteignant toujours sa cible, encaissant chaque fois sans broncher le nouveau recul de l’arme, plus puissant qu’avant, qui frappait violemment son épaule. Mais à ce moment là, il ne portait pas grande attention à son corps, tout ce qu’il voulait, c’était faire plus de morts encore de l’autre côté, non pas pour le massacre en lui-même, qui à force de dégoût le rendait plus froid chaque jour, mais pour finir cette guerre au plus vite, quitte à y laisser sa propre vie. Il s’était promis d’y mettre un terme, pensant sans cesse à Edward.
Suite aux mouvements de groupes, la division d’Alphonse s’était peu à peu éloignée de l’hôpital où ils le gardaient en vie, et s’il n’avait plus eu l’occasion de rendre visite à son frère, un rapport hebdomadaire informait les soldats de l’état des patients. Le coma prolongé l’inquiétait et le rassurait à la fois : Ed était en vie, mais pour combien de temps encore ? Il s’était mis à réfléchir, lui aussi, à se demander, vu leurs précédents voyages entre les deux mondes, s’il n’était pas possible que l’esprit de son frère soit resté bloqué quelque part comme le fut autrefois son corps, s’il n’était pas possible d’aller le chercher. Ils avaient détruit le passage, mais était-ce réellement le seul ? Ne restait-il pas une Porte ? Quelque chose le tira violemment de ses pensées tandis qu’il visait de nouvelles cibles. Une vive douleur. La chaleur humide, l’odeur du sang.

- Edward ! Edward !
L’appelé ouvrit les yeux d’un coup, et fut soudainement pris de panique. Il était dans le noir total, n’avait contact avec rien de matériel, comme s’il flottait dans le vide, et il lui avait semblé entendre résonner la voix du plus profond de ses entrailles.
- Ed !
Cette voix. Il se retourna, chercha du regard, à droite, à gauche, derrière, en haut, en bas ; rien. Il connaissait bien cette voix et ne comprenait pas : comment pouvait-il l’entendre ? C’est alors qu’il apparut. Faiblement, d’une lueur blanchâtre comme le fantôme de sa silhouette. Alphonse. Mais le jeune Alphonse. Le jeune Alphonse qui s’était fait avaler par la porte. Edward voulut l’appeler, tenta d’articuler quelques mots, mais sa voix resta coincée dans sa gorge. L’autre se mit à parler, d’une voix précipitée, inquiète.
- Edward, écoute moi bien, je n’ai pas beaucoup de temps. Tu dois revenir avant qu’il ne soit trop tard. Quand tu es mort là-bas, tu as fait le voyage. Tant que ton corps est en vie dans l’autre monde, tu peux revenir. Mais ils vont te débrancher. Tu ne pourras plus revenir. Alphonse va mourir. Reviens vite, tant qu’il en est encore temps. S’il te plaît.
L’image disparut comme un hologramme. Edward se sentait toujours flotter dans le vide. Il resta interdit un instant. Il n’y avait rien nulle part, mais c’était comme si l’atmosphère, comme si ce décor pourtant inexistant se mettait soudainement à fondre. Et d’un coup, comme si quelque chose l’attirait, il se sentit tomber de tout son poids.
Edward ouvrit les yeux d’un coup. Dans son lit, trempé de sueur, il repoussa brusquement sa couverture, s’assit sur le bord du lit. Un rêve ? Il se leva, fit quelques pas, entrouvrit les rideaux. Dehors, la ville dormait encore dans un même souffle silencieux. Il resta un instant à contempler, derrière la fenêtre, le pâle croissant de lune qui se dessinait dans l’obscur ciel nocturne. Mais il ne le voyait pas vraiment. Dans cette lune, il ne voyait qu’Alphonse. Alphonse, ce rêve… Y avait-il seulement un sens derrière tout cela ? De toute façon, il ne pouvait plus rester à rien faire. Puisque ses recherches et réflexions ne l’avaient menées nulle part, il pouvait encore se fier à son plus fidèle guide : son instinct. Et son instinct lui disait que ce rêve n’avait rien d’imaginaire, que c’était vraiment Alphonse, ou du moins une partie de son âme, qui était venue le prévenir. C’était grâce à son petit frère qu’il avait toujours trouvé la force d’aller plus loin. Il ne se sentait pas exister sans lui. Alors tant pis s’il se trompait, tant pis si aucun retour n’était prévu au voyage. Le plus dur serait de dire adieu à Winry.
Lovie
pfffiou je rattrappe mon retard!! chapitre 5 en vue..... c'est TROP bien!!!!! j'adore cette suite!!!!
Tifet
C'est toujours aussi bien Tal !!
Talentyre
8 – Des larmes


Roy hésita un moment avant de franchir le pas de la porte. Débarquer comme ça pour annoncer le plus naturellement du monde qu’il venait de laisser Winry au fin fond du désespoir, alors qu’Edward lui avait simplement demandé de lui expliquer la situation de son point de vue, ne lui semblait pas forcément le plus facile à exprimer. A l’intérieur de lui bouillonnait une nouvelle rage, qu’il se portait à lui-même, une rage terrible qui le brûlait comme pour punir ce manque d’humanité. Des remords ? Quelque chose comme ça, pensait-il. Mais attendre devant la porte close ne ferait pas avancer les choses. Il glissa la clef dans la serrure et la fit tourner. Un vague silence dans la maison, l’écho de rires sincères et nostalgiques ; Ed et Riza finissaient de mettre la table. Il allait être onze heures.

Quand ils le virent arriver, ils levèrent tous les deux des yeux pleins d’interrogations.

- Edward, commença Roy, tu devrais… tu devrais la retrouver. Elle était sonnée quand je suis parti.

- Que… Comment ça « sonnée » ?

- Tu sais aussi bien que moi que certaines vérités sont aussi difficiles à entendre qu’à dire.

Edward, prêt à bondir une seconde plus tôt, se ravisa. Ca n’aurait servi à rien de s’énerver. Il valait mieux aller voir de ses propres yeux ce que Roy entendait par « sonnée ».

- Je… Je vais la voir. Je vous rappelle plus tard. Merci pour l’accueil.

Edward saisit sa veste du portemanteau, l’enfila, puis après un dernier signe de la main, quitta la résidence.

Il entama son parcours d’un pas rapide, qui prit bientôt des allures de courses, pour finir en véritable sprint. Les rues défilaient sous ses yeux, le vent froid fouettait son visage et il manquait à chaque pas de trébucher, de se cogner contre un banc, un poteau, un passant. C’est le cœur battant, le souffle court, et une larme au coin de chaque œil qu’il se retrouva en face de la porte de l’atelier. Il ne savait pas vraiment à quoi s’attendre tandis qu’il frappait de grands coups à la porte, appelait le nom de son amie. Quand elle s’ouvrit enfin sur la jeune fille, l’adrénaline plein les veines que son cœur pompait à toute allure, il se figea, à la fois rassuré de la retrouver entière, à la fois inquiet de savoir que cette unité n’était qu’apparente. Il voulut la prendre dans ses bras, amorça un geste puis se ravisa, et, toujours sur le pas de la porte, demanda, souriant faiblement :

- Est-ce que… ça va ?

Après deux ou trois secondes de silence, elle répondit simplement :

- Ca va.

Pourtant il le savait bien que ça n’allait pas, qui aurait pu croire que ça allait avec ce qu’elle avait dans son regard ? Et il se trouvait bien bête d’avoir posé la question, mais c’était la seule qui était venue, la seule qui avait pu franchir ses lèvres alors que toutes les autres étaient restées bloquées dans une cage de perplexité. Ce n’était pas comme s’il y avait encore quelque chose à faire, quelque chose à dire, et l’un comme l’autre auraient voulu sortir de ce mauvais rêve, se réveiller pour reprendre le quotidien.

Cela faisait bien cinq minutes qu’ils étaient face à face sans mot dire, et Winry finit par reculer, ouvrir un peu plus la porte, et si elle ne prononça pas un mot, Edward comprit bien qu’elle lui proposait d’entrer. Il fit un pas en avant, ferma derrière lui.

- Tu veux boire quelque chose ?

Le cœur d’Edward se pinça ; la voix de la jeune fille était calme, résignée, triste.

- Un petit café, répondit-il en montant l’escalier, sur ses pas.

Il l’observa préparer la boisson, ses yeux encore un peu rougis mais maintenant secs, ce quelque chose d’inexplicable qui émanait d’elle, il la voyait comme il ne l’avait encore jamais vue, tenace, adulte, incroyablement courageuse. Puis elle s’assit en face de lui, déposant sur la table la tasse de café avec un sourire amer, et cette fois-ci c’était lui qui voulait pleurer, qui voulait fondre en larmes comme ça n’avait pas été le cas depuis si longtemps, et évacuer d’un coup tout ce qui le rongeait de l’intérieur.

- Ed… Je m’excuse pour tout à l’heure. Tu es libre de retourner là-bas si tu veux. Tu veux bien… rester avec moi jusqu’à ton départ ?

D’une voix douce emprunte de tristesse, Winry venait de briser le dernier barrage. Edward hocha fébrilement la tête ; il pleurait.
Tifet
Whaou ! pas commode le Roy ^^" Mais Winry avait besoin de ça, c'est sur !
Talentyre
7 – Egoïsme


« Toc toc toc »
Un frisson parcourut l’échine de Winry. Elle lâcha le morceau d’armure intégrée sur lequel elle travaillait, posa son tournevis sur la table, et resta immobile un instant. Edward ? Elle voulait ouvrir la porte et lui sauter au cou, que chacun oublie leur différent. Elle voulait reprendre cette vie qu’ils menaient, enfants.
« Toc toc toc »
Hélas elle était consciente que dans le meilleur des cas, demain apporterait une autre dispute.
La jeune femme se leva, jeta un œil hésitant par la fenêtre. Elle reconnut une autre silhouette que celle d’Edward, et, à la fois déçue et soulagée, descendit ouvrir.
- Roy ! Ca va ? Qu’est-ce qui t’amène ? demanda-t-elle l’air de rien, mais l’autre n’était pas dupe.
- Une âme en peine est venue toquer à ma porte, alors j’ai cru bon de venir m’assurer que tout allait bien.
- C’est lui qui t’envoie ? Pas la peine de venir faire le messager…
- Je viens de mon propre chef, et j’aimerai te parler un peu.
Elle hésita un court instant, puis recula en ouvrant plus largement la porte :
- Entre, soupira-t-elle.
- Bien Winry, commença-t-il en fermant la porte derrière lui, tu as la journée pour faire tes bagages.
- Pardon ? s’exclama l’autre.
- Ordre militaire, tu es mutée dans une zone qui a réellement besoin de toi.
- Qu’est-ce que… commença-t-elle, mais il ne la laissa pas aller au bout de sa question :
- Tu vas du côté de l’ancienne Ishbal. Un laboratoire a été ouvert en plein désert et la ville est en reconstruction. Mais tant du côté des survivants que des militaires, il y a beaucoup de blessés qui ont besoin de nouveaux membres. Tu prends le train de huit heures demain matin, ton voyage est déjà prévu, ne t’inquiète pas.
Winry voulait croire à une blague, mais le ton du général de brigade laissait entendre le contraire. Etait-il vraiment sérieux ?
- Et ma boutique ? demanda Winry. Qui va s’en charger ?
- Depuis le temps que tu es là, je crois bien que tous les manchots ou unijambistes de la ville ont profité de tes services. Et puis les boutiques d’automail, ce n’est pas ce qui manque ici.
- Mes clients comptent sur moi !
Elle commençait à s’énerver, ne trouvait pas la plaisanterie drôle, d’autant plus qu’il semblait que ce n’en soit pas une.
- Tu me demandes de tout laisser derrière moi après tout le mal que je me suis donnée pour m’intégrer ici ? C’est hors de question !
Roy marqua un court silence, satisfait : c’était la phrase qu’il attendait.
- C’est pourtant ce que tu demandes à Edward, sans lui laisser le droit de refuser.
La jeune femme se figea, comme pétrifiée. Et comme il continuait, elle se mit à trembler :
- Edward a déjà tout perdu plusieurs fois : sa mère, son frère, son monde… Il n’a jamais abandonné sa quête de la pierre philosophale malgré toutes les horreurs qu’il a affronté, il s’est battu jusqu’au bout aux côtés d’Alphonse. Et quand la victoire semblait enfin de leur côté, ils se sont retrouvés piégés là-bas, dans un monde qui n’a rien du notre, sans connaître ni rien ni personne. Ils ont reconstruit leur vie sur des ruines de souvenirs, et maintenant tu voudrais tout détruire ?
- Non, je…
- Tu veux Edward, mais tu ne l’auras pas avec Alphonse. Ces deux-là ne sont pas faits pour vivre séparément : après tout ce qu’ils ont traversé, c’est comme s’ils ne faisaient qu’un. Séparés, ils finiront par mourir de tristesse, c’est ça que tu veux ?
Winry pleurait à chaudes larmes, elle tremblait, n’arrivait pas à prononcer un mot. La rage montait en elle et son sang se mettait à bouillir dans ses veines, et elle se remettait à le haïr comme lorsqu’elle avait appris que c’était lui l’assassin de ses parents, et elle le haïssait davantage qu’elle savait, dans le fond, qu’il avait raison. D’un revers de manche, elle essuya ses larmes – ce qui n’empêcha pas les suivantes de continuer à couler en cascade – et soutint son regard, le visage crispé dans une grimace pleine de rage.
- Non ! finit-elle par crier. Ed est ce qui compte le plus pour moi ! Je veux simplement reprendre une vie comme avant !
- De l’amour, hein ? Mais il est noyé dans l’égoïsme, ton amour.
- C’est faux ! Je suis prête à tout pour ne plus les perdre !
- A tout ? répéta Roy calmement. Bien. Alors je sais ce qu’il te reste à faire.
Winry le fixait, l’air interrogateur, tandis qu’il plongeait la main dans sa veste pour en tirer son revolver. Il lui tendit, crosse en avant :
- Prends le, ordonna-t-il d’un air sévère.
Elle hésita, puis saisit l’arme.
- Tu veux retrouver tes deux amis d’enfance, c’est bien cela ?
Fébrilement, elle hocha la tête. Il s’approcha d’elle, et elle aurait voulu s’enfuir en courant mais ses jambes trop lourdes refusaient de bouger, son corps tout entier ne lui obéissait plus ; elle ne fit pas un geste, n’opposa aucune résistance quand il lui saisit la main et plaqua l’extrémité du canon sur sa tempe.
- Tu n’as qu’à faire le voyage avec Edward.
La panique brillait dans le regard de Winry, coulait dans ses larmes, faisait trembler son corps tout entier. C’était comme si le temps s’était immobilisé, elle se sentait déjà morte, elle sentait déjà la balle traverser sa tête ; elle eu soudainement très froid, les joues trempées de larmes et le front trempé de sueur, et l’espace d’un instant le monde s’effaça autour d’elle, il n’y avait rien que ce revolver, ce revolver qui allait la tuer, et un œil qui la regardait, un œil calme et noir qui brillait, et dans cet œil elle se voyait morte, la main encore cramponnée sur la crosse.
- NON !
Elle l’avait hurlé en même temps qu’elle jetait l’arme par terre avec toute la force qui lui restait. Jamais elle ne pourrait affronter la mort, jamais elle ne pourrait faire ce voyage, elle savait qu’elle serait encore seule dans sa faiblesse, qu’elle allait encore voir partir Edward sans pouvoir rien faire, et lui si courageux se tiendrait en face de son destin sans ciller.
Il y eut un long silence.
- C’est comme ça que tu regardais mes parents ? finit-elle par demander, haletante.
L’œil du militaire changea du tout au tout ; il redevint humain, presque bienveillant, et il y brillaient quelques lueurs de compassion. Il ne répondit pas, se contenta de ramasser son revolver, de le ranger dans sa veste, et ouvrit la porte. Il se retourna une dernière fois, la regarda, brisée, qui tremblait, maintenant à genoux par terre. Winry avait plus que jamais besoin de réconfort, qu’on la prenne dans ses bras, qu’elle se sente en sécurité, comme lorsque, enfant, elle se blottissait contre ses parents. Roy fit un pas hors de la boutique et ferma la porte derrière lui. Il s’en voulait de la laisser ainsi, mais ce n’était pas à lui de la réconforter, alors qu’il venait de la détruire, ça ne rimerait à rien. Il se contenterait de son rôle de bourreau.
Tifet
J'aime toujours autant !! ^___^
Talentyre
6 – Dispute


Penché sur quelques feuilles de papier, Edward tenait d’une main sa tête, de l’autre un stylo. Il avait dressé en quelques mots reliés de flèches la liste des différents passages qu’il avait effectué à travers la Porte, l’élément déclencheur de ce passage ainsi que le prix payé.
Au début, j’ai failli mourir… Al aussi. Il devait rester là-bas, et je l’ai tiré… Un bras et une jambe, un corps… Ensuite, quand je suis mort… Al m’a ramené avec le pouvoir de la pierre philosophale… Puis j’ai fait la même chose alors qu’il aurait du en mourir.
« A chaque fois que tu es "mort" quelque part, tu as réussi à t’en sortir de l’autre côté. »
Edward ruminait péniblement la phrase de Roy, comme une viande trop dure. La mort… Etait-ce là la clef ?
Il fit basculer sa tête en arrière dans un soupir, prenant appui sur le mur derrière lui. De dehors, on entendait les premiers chants d’oiseaux ; le soleil se levait par la fenêtre et le café coulait dans la cuisine. Winry était descendue à l’ouverture de la boulangerie pour apporter quelques croissants et pains au chocolat. C’était dimanche et la ville s’éveillait.
Le bruit de ses pas dans l’escalier annoncèrent le retour de la jeune femme ; elle posa sur la table le sac contenant les viennoiseries, puis sortit des tiroirs deux assiettes et deux tasses. Enfin, elle s’assit face à Edward ; ce dernier plia les feuilles de papier qu’il glissa dans sa poche.
- Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda Winry, après une minute silencieuse.
- Comment ça ?
- Eh bien… tu peux peut-être reprendre ton poste d’alchimiste d’état, chercher un appartement… Enfin, je ne veux pas te brusquer, hein, ça fait peu de temps que tu es rentré…
Edward marqua un court silence ; il hésitait à être franc, appréhendant la réaction de son amie. Finalement, il déclara :
- Winry… je ne vais pas te mentir, je n’ai pas l’intention de rester ici.
Elle sembla se figer sur place, et il était pourtant visible qu’elle luttait pour ne rien laisser paraître.
- Mais…
- J’ai déjà pris ma décision. Je te suis très reconnaissant pour ce que tu as fait pour moi depuis que je suis arrivé, mais je dois repartir.
- Tu dois repartir ?
Edward hocha simplement la tête. Il n’avait pas envie de discuter, il ne voulait pas se disputer avec Winry. Il était fatigué, moralement à plat : c’était déjà assez difficile de lutter contre lui-même. Mais elle reprenait :
- Bien… c’est agréable… On ne s’est pas vus pendant quatre ans, et ta seule envie est de repartir ? Tu m’as manqué, Edward ; il ne s’est pas passé une journée sans que je pense à toi et Alphonse, sans que je n’espère vous voir arriver, et le jour où ça se produit enfin, tu veux encore disparaître ?
- « Le jour où ça se produit » ? répéta-t-il amèrement. Tu n’as pas comme l’impression qu’il manque quelqu’un dans le lot ?
Winry déglutit lentement, des larmes mêlant tristesse et rage lui montant aux yeux. Elle répondit rien, il continua :
- Tu crois vraiment que je ne voudrais pas qu’on soit tous réunis ? Tu crois que je ne pensais plus à toi, dans l’autre monde ? Tu crois que ça me fait plaisir d’être sans cesse obligé de choisir entre mon frère et ma meilleure amie ?
Il s’était levé et avait haussé le ton. Ses mains tremblaient, son cœur battait à tout rompre.
- Ca n’a rien à voir, là-bas, et pourtant on a réussi à recommencer, à entamer une nouvelle vie, à se faire une place, à trouver une cause, un pays à défendre. J’ai refait ma vie, accepte le enfin et fais en de même !
Le conflit semblait vain à chacun des interlocuteurs ; aucun d’entre eux n’avait tort ni raison, ce n’était qu’un déchirement sentimental qui s’exprimait par leurs paroles, malgré un désir enfoui en chacun d’eux de conserver leur amitié intacte. Ils ne voulaient pas se disputer. Et pourtant, ils étaient incapables de briser leurs fiertés, leurs orgueils, et l’un comme l’autre campaient sur leurs positions.
- Je vais faire un tour, articula Edward en s’éloignant de la table, quittant l’appartement après avoir attrapé sa veste qu’il enfila en chemin.
Dehors, l’air était frais, le soleil timide. Le jeune homme s’éloigna sans se retourner pour ne pas voir son amie qui, à la fenêtre, le regardait partir, il le savait. Il savait aussi qu’elle pleurait, partagée comme lui dans un flot de sentiments contradictoires, tiraillée de chaque côté de l’amour et de la haine. Il ne pleurait pas, lui, trop habitué maintenant, il était simplement énervé, il voulait juste un peu de paix, pouvoir s’endormir un soir sans se dire que demain, il faudra prendre une décision, faire un choix, encore.
Comme il l’espérait, la maisonnée Mustang constitua un foyer d’accueil chaleureux ; en ouvrant la porte, Riza manifesta son agréable étonnement, et l’invita à rejoindre dans le salon Roy et – surprise –, leur enfant, âgé de moins d’un an, que le papa nourrissait alors au biberon. Il apprit rapidement que le petit garçon s’appelait Maes, hommage funèbre et légèrement morbide à son goût au vieil ami. Les présentations passées, il expliqua sa situation délicate.
- Je n’ai vraiment pas envie de me disputer avec elle, mais elle ne veut pas m’écouter, terminait-il. Est-ce que tu pourrais…
- Je vais la voir tout de suite, coupa Roy en se levant.
Il fit quelques pas et prit son manteau. Edward interrogea :
- Tout de suite ?
- Bien sûr.
- Mais… enfin, ça peut attendre quelques heures… je ne veux pas te déranger…
- On ne fait pas attendre une femme, lança-t-il en disparaissant dans l’ombre du couloir.
On entendit le bruit de la porte qui se ferme. Silence.
- Vu que tu m’as piqué mon mari, Ed, je vais devoir exiger ta main d’œuvre à l’épluchage, prévint depuis la cuisine la voix de Riza. Le jeune homme se leva, rejoignit son hôte et se mit au travail, avec sur son visage un petit sourire, et dans son cœur une étincelle de réconfort. Il se sentait déjà un peu moins seul.
 
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