Sujet : Chambre de Naelith | | Posté le 07-10-2007 à 00:04:07
| Après avoir arpenté les longs couloirs du Luastria, les yeux et les oreilles aux aguets, tant par cette crainte qui ne la quittait guère depuis qu’elle avait échappé à l’échafaud que par curiosité et émerveillement, Naelith la succube se retrouva devant l’entrée de sa chambre, telle qu’elle lui avait été indiquée par les flèches lumineuses ornant le sol et les murs de métal du lieu. Prudemment, elle observa le dispositif qui ornait la porte, un boîtier sur lequel s’ouvrait une fente. Encore une autre de ses intuitions ? Toujours est-il que la démone n’hésita à peine avant d’insérer la carte qui lui avait été remise dans la fente prévue à cet effet. C’est le coeur battant qu’elle vit s’ouvrir la porte, et découvrit ce qui deviendrait, si elle avait bien compris, son espace strictement personnel. Après tout, la chambre était le lieu le plus intime d’une maison, celui où ne pénétraient guère que leur(s) occupant(s), lieu chargé de signification sur le propriétaire, et sa personnalité. Du moins, lorsqu’elle aurait pleinement pris possession des lieux, et arrangé un peu, puisque tout était de la plus stricte neutralité, avec des tons, des meubles – elle l’imaginait, et ne se trompait pas – identiques pour chaque chambre : un lit aux draps blancs, une table de chevet, un bureau, une chaise, une armoire. Le minimum, mais c’était déjà bien pour une personne qui avait perdu tout ce qu’elle avait. Enfin, ce que Nae voyait au premier abord confirmait ses pensées, et la soulageait quelque peu. C’est souvent l’inconnu qui fait peur, plus que la chose elle-même. Mais la visite n’était pas terminée, et la succube attendit encore un peu avant de relâcher complètement la tension puisqu’il restait une porte à franchir. Naelith pensait savoir ce qui cachait derrière, néanmoins la poussa avec circonspection. Si elle avait vu juste sur la fonction de la pièce, elle ne s’attendait pas à découvrir cette technologie, si peu compréhensible pour elle. Qu’est-ce que c’était donc que ces sortes de tuyaux argentés ? Et ces grandes vasques blanches… puis petit à petit, l’idée faisait son chemin, devenant de moins en moins dérangeante, et de plus en plus exaltante. D’abord plantée à l’entrée de cette salle d’eau, la démone avança bientôt pour tester toutes ses évolutions technologiques, sachant très bien à quoi servait ceci ou cela. Déduction ou une autre intuition ? Plus ça allait, et plus l’univers autour de Naelith paraissait fait d’échos lointains, de sensations indistinctes, qui la plongeait dans une sorte d’impression de déjà-vu permanente. Et ça, depuis qu’elle avait rencontré Diana sur Faitharch et entendu pour la première fois le nom de "Sans-Destin"… Comment pouvait-elle avoir déjà vu toutes ces choses, et même en avoir entendu parler, elle qui vivait sur un monde aussi archaïque ? Il y avait quelque chose de pourri au royaume de Servalhean… En même temps, c’était peut-être à cause de ce sentiment latent, qui révélait graduellement sa présence, que Naelith, qui lui avait valu de se confier à de parfaits étrangers, comme Diana. De la faiblesse induite par cet état ? A moins, tout simplement, que ce ne soit le contrecoup de la perte des êtres qui lui étaient chers… Oui, probablement que ça y jouait aussi, et sa carapace s’était à nouveau fissurée, après s’être écroulée une première fois devant les assauts de la trahison dont elle avait été victime. L’examen de la salle de bain terminée, et toute à cette introspection, qui durait depuis son réveille soit dit en passant, Naelith décida d’accorder un petit instant de repos à son esprit las de ses questions et de ses déceptions, et retira ses vêtements, plongeant dans l’eau qu’elle avait fait couler dans la baignoire, à une température assez élevée. Elle avait toujours apprécié la chaleur, nul besoin de se demander pourquoi… même si actuellement elle aurait plutôt du la fuir. Enfin bon, cette ablution avait aussi pour but de laver sa blanche peau des traces persistantes de suie et de scories du feu crématoire, qui n’avait pu accomplir son office, rien de tel qu’un bon bain pour se décrasser. Une fois cela fait, Nae ne s’attarda que peu, puisqu’elle devait se rendre chez Amrael, le dirigeant de sa voie. "Leader" comme l’avait appelé l’homme aux cartes, sans doute un synonyme de dirigeant? Quoi qu’il en soit, elle lui devait le respect, et le respect était une chose qui était presque devenu naturelle chez la succube. Enroulée dans une serviette, elle sortit de son bain, et réenfila les vêtements que Diana lui avait donnés, bien que la couleur blanche ne soit pas sa préférée. A vrai dire, elle avait toujours associé le blanc à la pureté, et il faut avouer que Naelith était loin de pouvoir en revendiquer le titre… Fin prête, du moins en apparence, la jeune démone poussa un long soupir, avant de replonger dans les vastes couloirs, à la recherche de sa prochaine destination. La fascination première qu’elle avait éprouvée dans les corridors du vaisseau était toujours présente, quoi qu’un peu estompée, et c’est d’un pas neutre qu’elle se dirigea vers le bureau d’Amrael. Enfin… qu’elle tenta de s’y rendre, ne sachant pas où il était. Peut-être pourrait-elle demander à quelqu’un de la guider, en chemin… La fierté d’une démone n’est pas à ce point grande qu’elle ne daigne pas demander son chemin si besoin est. |
| | Posté le 08-02-2008 à 00:11:38
| En sortant de la salle d’entraînement à l’arme blanche, c’est pratiquement en courant que la succube rejoignit l’aile bleue, afin de se réfugier dans sa chambre. Pourquoi s’était-elle enfuie ? Pour échapper à ces hommes ? Ou pour s’échapper d’elle-même ?... La dernière question était la bonne, puisque ce n’était pas tant ces regards du sexe opposé qu’elle cherchait à éviter, mais ce qu’ils provoquaient en elle. Savoir que des homes l’admiraient, avait quelque chose de terriblement… excitant, et c’était bien cette excitation que Naelith devait réfréner à tout prix ! Car qui disait excitation de la part d’une démone telle qu’elle, disait, fatalement… hé bien, disons-le avec euphémisme, "acte inconsidéré". Cette chaleur qui courrait dans ses veines, cette irrépressible envie… si délicieuse, et pourtant dangereuse, un flot tumultueux qui embrasait ses sens, et qu’elle cherchait à tout prix à endiguer avant qu’il ne la consume. Nae ne maîtrisait absolument pas ses gestes lorsque son instinct démoniaque reprenait le dessus, et c’était bien cela qui la rendait monstrueuse. Elle n’était plus Naelith mais devenait la succube à part entière… Devait-elle être fière d’avoir réussi à ne pas succomber ? Certes, elle avait tenu la promesse faite à Amrael de chercher à se contrôler, mais de la manière la plus lâche qui soit… seulement elle ne se sentait pas assez forte pour résister par sa seule volonté. Tout ça à cause d’une simple tenue qu’elle n’avait pas changée… Sa faute, tout était de sa faute de toute façon, c’était bien elle qui n’avait guère pris garde à sa tenue devenue plus que provocante, suggestive, et qui avait inévitablement entraîné ces regards… pourquoi ne s’était-elle donc pas changée ? Pour une raison simple, et un peu puérile : le blanc était la couleur favorite de son père. Lorsqu’elle était enfant, c’est ainsi qu’il aimait la vêtir, afin de faire ressortir la pâleur de son teint, et son aspect fragile. Une véritable poupée de porcelaine sur laquelle on ose poser la main de crainte de la briser, voilà à quoi ressemblait Naelith lorsqu’elle était petite, ou plutôt, ce à quoi son père voulait la faire ressembler… A l’époque, évidemment, la petite fille aux yeux rouges appréciait modérément, et ne comprenait pas les intentions de son père, mais à présent, bien qu’elle n’apprécie toujours pas le blanc, Nae avait saisi. Le blanc, l’immaculé, symbole de pureté, d’innocence… quelle ironie, c’était bien la couleur qui allait le moins à une répugnante succube comme elle… L’immaculé se retrouvait souillé par son simple contact…Un loup déguisé en agneau… Alors, pourquoi avoir gardé la tenue de lin blanc ? En hommage à son père sans doute… conserver un repère de sa vie passée que le Néant avait effacé, en souvenir de la seule personne qui ne l’eut jamais trahie, celui qu’elle aimait le plus au monde : son père Dion Heldenst. Quel geste émouvant, mais quelle erreur… Au fond du couloir que la succube perturbée venait d’emprunter se détachait une silhouette féminine, avançant lentement dans sa direction, une forme assez vague aux yeux de Nae, laquelle se ressentait toujours de la fatigue consécutive à son entraînement, mais qui lui procurait tout de même une curieuse impression de déjà-vu. Serait-il possible qu’à présent, ce ne soient pas de simples notions qui lui apparaissent comme familières alors qu’elle n’en avait jamais entendu parler auparavant, mais aussi des personnes ?... Non… ce n’était pas ça… Sa démarche, son allure… Maintenant qu’elle se rapprochait, ses traits se précisaient, et son fin visage encadré par une chevelure d’ébène révélait deux immenses yeux turquoise cerclés de sombre, d’une couleur si belle qu’on aurait été heureux de s’y noyer… Le cœur de Naelith, déjà au supplice, fit un bond dans sa poitrine : si ses vêtements, une longue jupe noire, et une tunique claire recouverte d’un châle sombre, étaient un peu différents de ceux qu’elle portait sur son monde, il n’y avait aucun doute, cette fille était bien celle que Naelith croyait avoir reconnue… et c’est d’une voix vibrante d’émotion que son prénom franchit ses lèvres incrédules. "Saveria… ? Je n’aurai jamais cru te revoir ! Tu es vivante, je suis si heureuse !" Rancunière, Naelith l’était certainement, mais pas envers sa meilleure amie, celle qui avait tout partagé de sa vie, depuis près de 18 ans qu’elles se connaissaient. Tout, sauf le secret de sa naissance et de sa condition, jusqu’à il y a peu. Alors, ne résistant pas à la joie de retrouver cette dernière qui l’avait pourtant trahie sur Servalhean, et livrée à l’ire de la population – avec sans doute une bonne raison – la succube, ses yeux rouges embués de larmes, avait impulsivement tendu les bras vers Saveria. Cependant, elle était loin de se douter que l’accueil que lui réserverait sa meilleure amie serait aussi brutal, et ce n’est pas une image… Car Naelith fut violemment repoussée contre un mur par Saveria, mur contre lequel elle se cogna la tête. Trop surprise pour ressentir une quelconque douleur, aucun son, aucune protestation ne jaillit des lèvres de Nae, qui ne parvint qu’à jeter un regard incrédule à son amie, regard qui croisa presque immédiatement celui de Saveria. Ces yeux, ces deux grands yeux la fixaient avec une expression de colère et de dégoût, la même expression que Nae avait pu apercevoir à travers les flammes, la dernière image qu’elle avait de son monde juste avant qu’il ne soit englouti par le Néant. Une image qu’elle n’avait pas véritablement comprise à l’époque, et qu’elle ne comprenait toujours pas… "Ne me touche pas, sale démone ! cracha la jeune fille. Tu es la dernière personne que j’aurai pensé voir sur le Luastria, et la dernière que j’aurai voulue savoir encore en vie… Comment les Sans-Destin ont-ils fait pour te recruter, toi en particulier, tu leur as fait du charme ? Regarde-toi, avec tes vêtements transparents, on dirait que tu prends un malin plaisir à aguicher tout ce qui passe…" Cette violence… se pouvait-il que ce soit sa Saveria ? Non, c’était impossible ! Jamais Nae n’avait vu Saveria agir ainsi, ni avoir des paroles aussi dures de toute sa vie, elle qui était la douceur incarnée. C’était d’ailleurs souvent Naelith elle-même qui mettait son grain de sel dans les histoires de son amie, qui n’osait pas élever la voix, même lorsqu’elle avait raison. La forte tête et son amie timide et réservée, un duo qui n’était pas passé inaperçu dans leur petit village, et qui faisait d’ailleurs sourire les gens. Car même si Naelith avait ce qu’on peut qualifier de "grande gueule", elle n’était pas exempte de douceur, probablement influencée, ou "bridée" comme disaient certains, par Saveria. Cette dernière avait également profité de cette amitié : au lieu de se cacher derrière Nae en permanence, comme cela aurait été logique, la jeune fille s’était progressivement mise en avant, exhortée en cela par la succube, et avait développé un caractère beaucoup moins docile. Les prémices de la libération de la femme dans leur petit village pourrait-on dire. Mais de là à la cogner contre un mur, à utiliser la violence physique… et ces paroles… Non, ce n’était pas la Saveria que Naelith avait connu. Il fallait qu’elle sache pourquoi elle en était arrivée là ! Que lui avait donc fait Naelith pour qu’elle la haïsse à ce point ? "Saveria…" Haïr était sans doute le mot juste. Les poings serrés le long du corps, Saveria se retenait afin de ne pas frapper à nouveau son ex-meilleure amie. Oui, ex, car leur lien ne signifiait absolument plus rien pour la jeune femme aux cheveux d’ébène… Non, absolument plus rien… "Tais-toi ! la coupa vivement Saveria. Je t’interdis de dire mon nom ! Tu me dégoûtes Naelith…" Alors comme ça, elle la dégoûtait hein ? Si elle savait combien elle se dégoûtait déjà elle-même… Enfin, c’était bon de savoir enfin ce que ressentait Saveria, de ne pas rester sur le doute qui la tiraillait depuis que le bûcher avait été formé, bûcher dont la succube avait été la pièce maîtresse. Mais qu’est-ce que cela pouvait faire mal… Sans un mot de plus, Naelith tourna les talons et se précipita vers sa chambre, la tête baissée, pour masquer les larmes qui commençaient à brouiller sa vue à cette fille qui n’était plus l’amie qu’elle aimait de tout son cœur. Ce que la démone ne put voir lorsque la porte de sa chambre se referma sur sa douleur, fut les deux perles irisées ornant le turquoise des yeux de son ex-meilleure amie… La tristesse, la colère, la peur, et la fatigue, tout cela eut raison d’elle, et lorsque la succube eut fermé la porte derrière elle, elle ne put faire que quelques pas en direction de son lit avant de trébucher, s’effondrant à moitié sur le sol, les mains crispées sur les draps blancs qu’elle avait attrapé et fait glisser de sa couche. Et elle resta là, pendant un moment, un long moment, à souiller les draps immaculés de ses larmes salées. Seule une phrase, une unique phrase, parvint à s’échapper entre deux sanglots étouffés. "Papa, tu aurais bien honte de moi si tu me voyais…" Les larmes, aussi amères soient-elles, finissent toujours par se tarir, et si elles ne font pas disparaître ce malaise dont elles sont l’expression, soulagent tout de même quelque peu. Ainsi donc, après avoir pleuré tout son saoul, Naelith se sentait-elle un peu mieux. Mais vraiment un tout petit peu… Ca ne sert à rien de rester à ruminer les pensées le plus noires, il fallait se décider à agir, à bouger, autrement, elle finirait par devenir dingue… Il fallait juste… agir. Bouger, c’est ça, sortir, quitter le Luastria. Pour aller où ? Peu importe, juste mettre un peu de distance entre elle et les Sans-Destin. Tout d’abord, se lever. Tel un automate, le regard vague, inexpressif, Naelith se releva lentement, laissant tomber au sol les draps froissés par les deux mains qui s’y étaient agrippées, et se dirigea vers l’armoire, qu’elle ouvrit en grand. Machinalement, elle passa en revue les tenues qui composaient la garde-robe "offerte" par les Sans-Destin, avant de s’arrêter sur une robe de couleur noire, assez classique, dont le jupon mi-long était légèrement évasé, et le haut moulant au décolleté prononcé. On aurait pu penser qu’après la mésaventure qu’elle venait de vivre dans la salle d’entraînement, la jeune fille choisirait des vêtements qui ne mettraient pas en valeur sa féminité, cependant Nae se fichait bien de ce qu’elle porterait, du moment que cela lui plaisait, car elle ne comptait pas sortir sans masquer le tout par un autre vêtement plus couvrant. La cape écarlate, assortie à ses yeux, qu’elle extirpa ensuite convenait parfaitement à ses attentes. Se doucher. Avant d’enfiler cette tenue composée selon ses goûts, bien que sans grande envie, un passage par la salle d’eau s’imposait. Dans la douche, la succube resta un moment, immobile, les yeux fermés sous cette pluie brûlante, afin d’éliminer la sueur qui collait à sa peau, mais aussi ce sentiment de dégoût qu’elle aurait voulu voir disparaître, comme purifié par cette cascade fumante. Mais non, elle n’était pas aussi naïve, et savait bien que c’était inutile de penser qu’une simple douche, un fugace moment de bien-être, puisse aider à oublier son passé. On ne lave pas toute une vie comme on efface un tableau… Cette eau qui en d’autres circonstances aurait pu se révéler bienfaisante tant pour le corps que pour l’esprit, en l’occurrence n’était d’aucun secours pour apaiser l’âme tourmentée de Naelith. Sortir de la douche. Se sécher. Enfiler les vêtements propres. Tout le reste s’enchaîna très vite, et de manière automatique, et c’est une démone, le visage caché sous sa capuche grenat qui sortit de la chambre, sans véritablement connaître sa destination. Enfin… peut-être bien que si… |
|
|
|